Iberdrola saisi par la franchise (1) : Bilan d’un an de fonctionnement du parc de Saint-Brieuc
Saint-Brieuc : production moindre qu'espérée, un tarif réévalué de façon stratosphérique, une modulation financièrement neutre mais techniquement problématique ; 1) problème de vent – facteur de charge d'environ 33% ; 2) Une électricité très chère bénéficiant d'un régime de revalorisation très favorable ; 3) Une modulation de production financièrement neutre.. à des conditions très favorables 4) Mais des problèmes techniques qui obèrent la rentabilité des parcs éoliens ; 5) Des problèmes pour les pêcheurs : pollution des anodes sacrificielles, compatibilité de la maintenance de la zone éolienne avec la pêche…
Saint-Brieuc : production moindre qu'espérée, un tarif réévalué de façon stratosphérique, une modulation ( écrêtage) financièrement neutre mais techniquement problématique et toujours des problèmes avec la pêche.
Pour la première année de fonctionnement de la zone éolienne de Saint-Brieuc, Iberdrola s'est payé une belle page de publi-information ( c'était quand même indiqué) dans Le Marin lien : "Un an après son inauguration, le parc éolien de la Baie de Saint-Brieuc est désormais pleinement opérationnel. Premier site éolien d'ampleur à voir le jour en Bretagne, le projet a impliqué de nombreux acteurs locaux et entend jouer un rôle pilote dans la surveillance et la préservation des écosystèmes marins….Ses 62 éoliennes, capables d'alimenter 800 000 foyers bretons en électricité, tournent désormais à plein régime »
Sauf que le bilan n'est pas si rose que ça comme l'ont rappelé de nombreux titres de presse qui ont épluché les données publiées par…Iberdrola : La Tribune, lien ; Les Echos lien ; Révolution Energétique lien
1) Un problème de vent : « Le temps est moins venteux depuis la fin du printemps sur les 12 premiers mois d'exploitation, nous avons produit plus de 1500 gigawattheures…c'est moins que l'objectif prévu de 1800 mégawatts qui équivaut à un taux de charge de 40 45% des turbines » NB PIEBÎEM : donc un facteur de charge d'environ 33%.
2) Une électricité très chère bénéficiant d'un régime de revalorisation très favorable : « Depuis fin juin 2024 le parc a généré un chiffre d'affaires d'environ 300 millions d'euros…" l'Etat est en effet obligé d'acheter (NB ce n'est plus tout à fait vrai depuis un amendement cette année autorisant la modulation cf ci-dessous) toute l'électricité produit à 196€ le mégawattheure pendant 20 ans c'est environ trois fois plus que le cours actuel de l'électricité sur le marché de gros en France… Ce prix est aussi à peine inférieur aux 200€ /MWh prévu initialement.. Des conditions attractives avaient été négociées par l'Etat en 2018 à 155€/MWh ce montant a ensuite été réévalué et figé à 196€ en vertu d'un mécanisme d'indexation prenant notamment en compte l'inflation.
NB PIEBÎEM ; comme l'avait prévu la Cour des Comptes, cette renégociation de 2018 a été une farce ! cf voir notre note lien
3) Une modulation (écrêtage) de production financièrement neutre.. à des conditions très favorables : Les autorités imposent de plus en plus aux opérateurs des modulations de production… A plusieurs reprises déjà, les turbines d'Iberdrola ont dû s'arrêter net, non pour des raisons de maintenance, mais parce qu'Ailes marines, la filière d'Iberdrola qui exploite ce parc, avait reçu l'ordre de diminuer sa production en raison des prix négatifs observés sur le marché de l'électricité… Ce phénomène qui résulte d'un excédent de production par rapport à la consommation n'existait pas lorsqu'Iberdrola a remporté le tout premier appel d'offres éolien en mer en France en 2012 mais au cours des 3 dernières années, sa fréquence a considérablement augmenté : en 2025 plus de 325 h à prix négatif ont d'ores et déjà été enregistrés dont 133 h au cours du seul mois de mai.
Mais pas d'inquiétude : Iberdrola est compensé à l'euro près pour les mégawatts non produits et la modulation est « financièrement neutre » :les exploitants sont indemnisés à à hauteur de leur tarif d'achat selon une estimation du productible qui aurait été injecté sur le réseau si les turbines n'avaient pas été arrêtées. Autrement dit, l'Etat paye une non-production sur la base d'une estimation du productible non produit « à partir d'une formule complexe ayant fait l'objet de longues négociations ».
PIEBÎEM : Ces données confirment en gros ce que nous avions écrit sur l'écrêtage en demandant la transparence des conditions d'écrêtage, ce qui n'est toujours pas le cas ! lien
Si l'on continue à empiler les zones éoliennes en mer, l'Ecosse nous montre à quelle absurdité on risque d'arriver : presque deux fois plus d'écrêtage que de production pour le plus important parc éolien en mer d'Ecosse, Seagreen : lien
4) Mais des problèmes techniques qui obèrent la rentabilité des parcs éoliens : Si Iberdrola ne se plaint pas des conditions financières de l'écrêtement – ils ont de bonnes raisons pour cela, - celui-ci leur pose tout de même des problèmes techniques : « Cette opération s'effectue à distance depuis une salle de commande à terre…. les pales amovibles se tournent afin de ne plus avoir de prise au vent. Le redémarrage prend ensuite une vingtaine de minutes mais entraîne des frais supplémentaires car cela nécessite notamment de mobiliser des techniciens… la première fois nous n'étions pas très à l'aise car nous avions peur que les machines peinent à redémarrer. Il ne faudrait pas que cela arrive tous les jours prévient toutefois le directeur des activités offshore, cela fatigue le matériel. Les machines n'ont pas été conçues pour s'arrêter et redémarrer ; chaque arrêt provoque également une grosse secousse pour la fondation. Ce type de mesure également en vigueur au Royaume-Uni tend à se multiplier dans d'autres géographies… mais nous voyons ces mesures comme transitoires qui n'auront plus lieu d'être lorsque l'électrification des usages tirera la consommation à la hausse »
Ce qui n'est pas demain la veille, si l'on continue à investir dans les ENR non pilotables., malgré les avertissements de l'Académie des Sciences : pas besoin de production électrique supplémentaire d'ici 2035 ! L'éolien en mer commence à être confronté à ses externalités négatives et ce n'est qu'un début ! Combien de temps encore acceptera-t-on de payer à prix stratosphérique cette électricité hautement variable et fatale et qui défigure nos littoraux ?
5) Des problèmes pour les pêcheurs : pollution des anodes sacrificielles, compatibilité de la maintenance de la zone éolienne avec la pêche
Les pêcheurs, qui peuvent de nouveau parcourir la zone depuis juillet 2024, se montrent encore prudents. Ils ont constaté que la dissolution des anodes nécessaires à la protection des éoliennes avait un impact sur la qualité des coquilles Saint-Jacques. D'autre part, ils ont observé une hausse de la quantité de sédiments coincés dans les filets, sans pouvoir déterminer si cela provenait du climat ou des éoliennes.
Pour assurer la maintenance du parc, le navire Goëlo Enabler et ses 90 mètres de long sillonne régulièrement la zone. Or, compte tenu de sa taille, le navire ne peut pas toujours détecter les bouées des filets de pêcheurs. Pour remédier à ce problème, Iberdrola a distribué gratuitement près de 1000 bouées connectées à 34 navires de pêche. Ces bouées, conçues et fabriquées localement, sont détectables à une distance de 3 milles nautiques (5,5 km), ce qui devrait permettre de limiter les accidents. Lien