Aménagements de Saint-Nazaire pour l’éolien flottant (EOLE) : la Cour des Comptes critique "un pari non dénué de risques" et "des besoins de financements exceptionnels non précisément chiffrés et non assurés"
La Cour des Comptes vient de publier un rapport sur le Port de Saint-Nazaire et les projets d'aménagements liés à l'éolien flottant et c'est assez sanglant. PIEBÎEM, qui avait participé à la consultation publique et averti du fort risque de coûts échoués fait le point : 1) Un projet financé qu'à 35 millions € sur 235 et dont la rentabilité ne saurait reposer que sur les subventions publiques ; 2) Un tiers des financements totaux de l'Ademe pour le plan portuaire. Le plan de financement reste à boucler !; 3) Un projet risqué tributaire de la capacité des acteurs privés dans un contexte de plus en plus difficile ; 4) Les incertitudes techniques de l'éolien flottant et « la maturité limitée de la réflexion sur le modèle économique du quai» ; 5) Des doutes sur la stratégie pour l'éolien en mer dont le pari français parait particulièrement ambitieux ; 6) Des investissements représentant plusieurs années de chiffre d'affaire des ports, une forte concurrence et de forts risques de coûts échoués.
Extraits du rapport de la cour des Comptes lien
« La volonté du port (de Saint-Nazaire) de devenir le principal intégrateur d'éoliennes en mer de la façade atlantique, grâce notamment au projet Eole, est un pari non dénué de risques, nécessitant de mobiliser des financements exceptionnels et pour le moment non précisément chiffrés. À cet égard, le port doit conforter le modèle de rentabilité du projet »
1) Un projet financé qu'à 35 millions sur 235 et dont la rentabilité ne saurait reposer que sur les subventions publiques
« Dans le cadre de son projet stratégique 2021-2026, le port tente de réinventer son modèle économique en développant ses ressources domaniales et en faisant, avec le projet de quai Eole, un pari non dénué de risques sur sa capacité à devenir un acteur majeur de la future filière de l'éolien en mer. Le succès de ce dernier projet, dépend notamment de la vitesse effective de déploiement de la stratégie éolienne et de la fiabilité technique du port. »
« Il dépend également de la capacité à mobiliser des financements exceptionnels : l'investissement pour le quai, dont l'estimation a fortement évolué et qui s'élève aujourd'hui à 235 M€ (pour un chiffre d'affaires du port de 95 M€), n'est en effet à ce stade financé qu'à hauteur de 35 M€ par le contrat de plan État-région. Enfin, la rentabilité financière du projet pour le port reste à ce stade incertain : elle ne saurait reposer uniquement sur les montants de subvention publique espérés de l'appel à projet « ports » de l'ADEME et dépendra également de la capacité du port à développer des usages hors éolien en mer pour le quai. »
2) Un tiers des financements totaux de l'Ademe pour l'appel à projet portuaire . Le plan de financement reste à boucler !
« L'appel à projet (AAP) « infrastructures portuaires » ouvert par l'ADEME permettrait, selon les hypothèses du port, de financer le projet à hauteur de 70 M€. Cette hypothèse semble optimiste dans la mesure où plus du tiers des financements totaux de l'AAP national seraient alloués au projet Eole. Le port estime devoir recourir à l'emprunt bancaire pour 25 M€ et à l'autofinancement à hauteur de 10 M€. 95 M€ resteraient à financer exclusivement par co- financement, ce qui représenterait plus de 40 % du projet, alors que les co-financements représentaient en moyenne 32 % sur la période sous revue. Le plan de financement reste donc à boucler. »
3) Un projet risqué tributaire de la capacité des acteurs privés dans un contexte de plus en plus difficile
« Au-delà de sa capacité à financer la plateforme Eole, le port restera tributaire de la capacité des acteurs privés à développer effectivement des parcs éoliens, en remportant les marchés de la façade atlantique à des montants finançables par l'État et en menant à bien les investissements requis. A elle seule, la grue ring crane nécessaire au montage d'éoliennes de grande puissance, qui n'a pas vocation à être acquise par le port, représente un coût de 80 M€. »
« Si la période 2025-2028 connaît un creux structurel du fait du calendrier d'attribution des appels d'offre, la réduction des effectifs de l'usine General Electric de Montoir prévue en 2025 illustre les aléas rencontrés par les acteurs industriels et, partant, les risques pour le port. »
4) Les incertitudes techniques de l'éolien flottant et « la maturité limitée de la réflexion sur le modèle économique du quai»
« L'éolien en mer, a fortiori flottant, étant une filière récente, des incertitudes pèsent tant sur les choix techniques à réaliser que sur le modèle économique, ce qui doit inviter le port à intégrer ces risques avant de confirmer l'ambition requise pour le quai. Or, à l'exception des études commandées par le port sur la chaîne de valeur, le modèle économique, le plan d'affaires et le modèle d'exploitation de la plateforme Eole, il n'existe pas d'étude du modèle économique global de l'investissement et de son dimensionnement réalisée par la tutelle du port. »
« Afin de limiter les risques portés par le port sur l'usage du quai en cas de retard ou de surcoûts dans le développement de l'éolien flottant, d'autres modèles économiques sont envisagés pour le quai, qui restent à expertiser. La mise en concession a ainsi été évoquée lors des entretiens. En première analyse, le portage de risque par le concessionnaire apparaît à ce stade trop élevé pour susciter une candidature, sauf à moduler le montant de la concession pour intégrer une prime de risque élevée, ce qui limiterait l'attractivité du contrat pour le port. Une option minimale pourrait être une coopération commerciale entre le port et un développeur éolien, incitant ces deux acteurs à mutualiser leurs efforts de promotion de l'éolien en mer. Ces interrogations témoignent de la maturité limitée de la réflexion sur le modèle économique du quai, ce qui constitue un point d'attention, au vu des montants d'investissement concernés. »
5) Des doutes sur la stratégie pour l'éolien en mer dont le pari français parait particulièrement ambitieux
« La rentabilisation de l'investissement dans le quai Eole repose sur des paris techniques et de volume d'éoliennes flottantes effectivement intégrées. Du point de vue technique, le dimensionnement du quai, et donc la pertinence de l'investissement, repose sur l'essor effectif de l'éolien flottant, la taille et la forme des flotteurs (pour l'espace consacré à leur stockage et à l'assemblage des éoliennes montées, tant à terre qu'en mer) ou le poids des pièces (pour la portance), qui sont à ce stade incertains. Le nombre d'éoliennes assemblées est quant à lui dépendant de la réussite effective de la stratégie pour l'éolien en mer, dont le pari français est particulièrement ambitieux, de la capacité du port à capter les marchés de la façade atlantique, en concurrence avec les ports français et étrangers ou encore de la puissance des éoliennes installées à l'avenir. »
Recommandation n° 11: S'assurer de la rentabilité financière du projet Eole pour le GPMNSN. (Sic !)
6) Des investissements représentant plusieurs années de chiffre d'affaires des ports, une forte concurrence et de forts risques de coûts échoués.
« Cependant, la coordination de façade apparaît toujours nécessaire et pertinente dans des secteurs spécifiques qui font les frais d'une concurrence accrue entre les ports de la façade. Par exemple, dans le domaine agroalimentaire, plusieurs groupes de discussion techniques ont eu lieu lors de salons ou d'évènements, mais sans être structurés au niveau stratégique. C'est en particulier dans le domaine de l'éolien en mer que la coordination de façade apparaît cruciale.
En effet, les coûts d'investissement pour pouvoir accueillir les projets éoliens sont équivalents à plusieurs années de chiffre d'affaire des ports, et présentent un risque de coûts échoués si le nombre de projets éoliens est insuffisant du fait d'une ventilation des marchés entre les différents ports, générant une absence de rentabilité pour l'ensemble de la place portuaire. »
« D'autres ports de la façade souhaitant également se positionner dans le domaine de l'éolien en mer, des échanges ont eu lieu, par exemple entre Brest et Nantes Saint-Nazaire via la plateforme commune d'échange de données en vue de répondre à l'appel d'offres de l'ADEME ou, sous l'égide du SGPI, en novembre 2024 avec l'ensemble des ports de la façade atlantique. La structuration plus formelle et systématique d'une instance permanente d'échanges sur l'éolien en mer au niveau de la façade apparait cependant nécessaire. »
Recommandation n° 12: Organiser la coordination entre les ports de la façade atlantique pour clarifier leur rôle respectif dans le développement de l'éolien en mer.
NB1) PIEBÎEM avait participé à la Consultation Eole et fait valoir le « fort risque de coûts échoués compte-tenu du manque d'intérêt climatique des projets de zones industrielles éoliennes en mer, des difficultés techniques et de leur équation économique intenable- la Commission d'Enquête sénatoriale sur le coût de l'électricité a qualifié l'éolien en mer de pari très risqué…PIEBîEM entend alerter sur les coûts non maitrisés de l'éolien en mer, particulièrement de l'éolien flottant, et plus particulièrement sur les coûts liés à l'investissement dans les ports et le fort risque de coûts échoués, si, comme il est probable, de nombreux projets éoliens en mer, en particulier pour l'éolien flottant, ne voyaient finalement pas le jour.En PJ notre réponse à la consultation sous forme de cahier d'acteur
NB2) Pennavel se rapproche du port de Brest pour son projet de parc éolien flottant en Bretagne sud .Le développeur Pennavel et Brestport ont signé, mercredi 10 septembre, un accord afin de préparer les prochaines étapes de leur collaboration dans le cadre du projet éolien flottant en Bretagne sud qui doit voir le jour d'ici à 2032. Lien
PIEBÎEM : 1) A la place de Brest, on se méfierait (très confraternellement, Iberdrola a expliqué qu'il y avait de sérieux doutes sur la viabilité de Pennavel et qu'il et ne se positionnera sur aucun appel d'offre éolien flottant, en particulier pas Bretagne sud lien 2) Quid de Lorient ? La dévastation des paysages et de la biodiversité littorale, c'est pour le Morbihan ; le travail pour Brest ?