Attribution de Centre-Manche 2 à Total/RWE : encore une attribution éolien en mer très douteuse qui risque de coûter très cher au contribuable.
Le rapport de la CRE sur l'attribution de Centre Manche 2 ( lien) lève le voile sur un processus singulièrement déviant : un consortium annoncé en catimini par le gouvernement et qui éclate avant même la confirmation officielle (RWE abandonne le projet et laisse Total seul) ; un candidat désigné par le ministre qui n'était pas celui classé premier par la CRE ; un manque d'offre criant ( 2 offres finales sur 7 candidats au dialogue concurrentiel) qui remet en cause la réalité même de l'appel d'offre, dont on se dit qu'il aurait dû être annulé ; des prix plafonds trop bas qui ne prennent pas en compte la réalité de l'augmentation des coûts et limitent les offres, un manque de solidité du critère solidité financière et des analyses de rentabilité, notamment sur le productible et les primes pour prix négatifs…qui deviennent un facteur important du business plan.
1) Les Chiffres de Centre-Manche 2 ; 2)Les bizarreries de Centre-Manche 2 ( euphémisme !) et les observations de la CRE ; 3) PIEBÎEM : un projet très mal né dont il est permis de penser qu'il n'ira pas à terme. Forte opposition des pêcheurs ; 4)Extraits du rapport de la CRE :les raisons d'un manque d'offre et la faiblesse maintes fois dénoncée du critère solidité financière des projets
1) Les Chiffres de Centre-Manche 2
Centre-Manche-2 a donc été effectivement attribué à un consortium Total/Energie/RWE comme l'annonçait Les Echos le 16 septembre. Il s'agit d'un projet de 1,5 GW situé à 40 km de la côte du Calvados, face à Ouistreham et Omaha Beach. Il jouxte le parc Centre Manche 1, d'une capacité de 1 gigawatt, attribué en 2023 à EDF et son partenaire canadien Maple Power. L'investissement prévu est de 4,5 milliards d'euros (sans le raccordement, puisqu'en France, c'est RTE et non l'exploitant qui le prend en charge. Le prix de vente proposé par TotalEnergies est de 66 € du mégawattheure.
PIEBÎEM : Dans le prochain appel d'offre UK, le plafond pour l'éolien posé est de 129,5€/MWh. Les parcs les plus récents ont étéattribués aux environs de 100 €/MWh. La CRE a raison de s'inquiéter pour la sincérité et la solidité financière du projet !
2) Les bizarreries de Ccntre-Manche 2 ( euphémisme !) et les observations de la CRE
2a) L'annonce précipitée du projet par le ministre Ferracci la veille de la chute du gouvernement Bayrou, avant même tout dépôt de garantie.
2b) Le consortium désigné explose avant même l'attribution :Le candidat annoncé par le ministre était le consortium Total/Energie/RWE. Moins d'un mois auparavant , RWE avait fait savoir qu'il se retirait de l'éolien en mer en France lien . De fait, juste après l'attribution, RWE a fait savoir qu'il abandonnait le projet, laissant Total Energies seul – qui recherchera éventuellement un autre partenaire
2c) Deux offres seulement en fin de parcours : Il n' y a eu que deux offres déposées sur sept concurrents présent au départ du dialogue concurrentiel ; ce n'est plus un appel d'offre, c'est une débandade !
2d) Le candidat n'est pas celui choisi par la CRE : Sur les deux candidats restés en lice, le ministère n' a pas choisi celui classé premier par la CRE (NB : EDF /Maple Tower, titulairede Centre-Manche 1),… mais l'autre (Total/RWE)
2e) Insuffisance du critère solidité financière : La CRE déplore, comme dans les appels d'offres précédents, l'insuffisance du sous-critère de solidité financière du projet (et il semble que ce soit ce sous-critère qui ait justifié la première place d' EDF /Maple Tower pour la CFE
2f) Manque d'analyse sur la rentabilité : La CRE déplore, comme dans les appels d'offre précédents, le manque d'analyse du niveau de rentabilité prévisionnel dégagé par le candidat. Elle met en doute en particulier les hypothèses de productibles (facteur de charge) et les hypothèses de revenus engendrées par les primes en cas de production à coûts négatifs. (PIEBÎEM : un comble ; les compensations pour ne pas produire en cas de surproduction deviennent un élément important du business plan !)
2g) Aventurisme technologique : La CRE regrette des critères technologiques trop restrictifs fixant notamment à 132 kV le niveau de tension de raccordement ce qui impose des aérogénérateurs de puissance unitaire supérieure à 20 MW (pour des raisons économiques).
2h) La CRE estime que le choix d'un prix plafond trop bas est responsable du falble nombre d'offre : « La CRE estime in fine que le prix plafond (fixé à 75 €/MWh pour la procédure AO4 et à 70 €/MWh pour la procédure AO8) a pu contraindre certains candidats présélectionnés à ne pas déposer d'offre », suggérant ainsi que l'offre de Total à 66 /MWh est pour le moins « tendue » (PIEBÎEM : ça sent la subvention massive)
2i) Manque de concurrence chez les fournisseurs européens : « faible compétition entre les turbiniers sur le marché européen dégradant par ailleurs les garanties, services et calendriers proposés aux porteurs de projet »
2j) Des problèmes sur le vent à prévoir avec Centre Manche1 : Le consortium RWE/Total Energies a été choisi face à EDF et Maple Tower attributaires de Centre Manche 1. C'est une complication et une recette pour de futurs conflits lorsqu'on se souvient de la fréquence croissante des problèmes liés au « vol de vent entre exploitants éoliens. Lien
3) PIEBÎEM : un projet très mal né dont il est permis de penser qu'il n'ira pas à terme. Forte opposition des pêcheurs.
Total/RWE a été choisi par le gouvernement contre l'avis de la CRE, qui avait sans doute estimé le critère de solidité financière peu convaincant-ce qui s'est immédiatement manifesté par le retrait de RWE, quand même très problématique.
Le gouvernement a tenté de justifier son choix par le recours à des PME pour au moins 10 % des prestations d'études, de fabrication des composants, de travaux et d'activités... relatives à l'exploitation». Que valent ces garanties dans le contexte actuel ? Et, mot magique, un "financement participatif auprès de la population et des collectivités normandes, pour un montant d'au moins 10 millions d'euros !." C'est se moque du monde
La décision finale d'investissement n'est cependant pas prise. Elle n'interviendra qu'en « début 2029 . D'ici là, TotalEnergies doit affiner ses études. Et tenter de trouver un nouveau partenaire et obtenir pour cela l'accord du gouvernement français.
Il est donc permis d'espérer que ce projet, aux conditions d'attributions si louches, si mal né, comme Bretagne sud, n'ira pas à son terme.
Par ailleurs, PIEBÎEM rappelle la très forte opposition des pêcheurs des pêcheurs de la Manche qui craignent la disparition pure et simple de leur activité Pour leur président, Dimitri Rogoff, Président du Comité des Pêches de Normandie : « Nous, pêcheurs, sommes un peu les Indiens d'Amérique : c'est «dégagez, qu'on s'y mette !"» Il rappelle que la Manche «concentre les deux tiers des parcs offshores installés en France». Or cet espace «est déjà séparé en deux par le Brexit, réduit par les aires marines protégées et concurrencé par nos amis hollandais qui viennent chez nous avec de très gros bateaux. Bientôt, on n'aura plus du tout la place de travailler !... On nous brandit les millions que rapporterait la taxe éolienne… Mais nous, on ne veut pas d'argent, on veut juste pouvoir travailler : on veut des accès et du poisson». Lien
4)Extraits du rapport de la CRE :les raisons d'un manque d'offre et la faiblesse maintes fois dénoncée du critère solidité financière des projets lien
« Le candidat retenu par le Gouvernement est le groupement Cotentin Energies Marines, composé de TotalEnergies et RWE. L'offre de ce groupement avait été classée deuxième par la CRE, à égalité de points avec celle de l'autre candidat. La CRE a pris acte du choix du Gouvernement. »
4a) Zero offre pour Oléron, deux offres finales pour 7 concurrents pour centre Manche 1 : les raisons d'un manque d'offres.
« La CRE, en étroite collaboration avec les services de l'Etat, a souhaité approfondir les raisons qui ont conduit plusieurs candidats potentiels à ne pas déposer d'offre. Les retours de la filière conduisent à identifier plusieurs facteurs expliquant la moindre participation à ces procédures : la hausse récente et significative des coûts d'investissements initiaux s'agissant notamment du coût de fourniture des turbines, de l'ordre de +40 %. Les porteurs de projet faisaient état d'une faible compétition entre les turbiniers sur le marché européen dégradant par ailleurs les garanties, services et calendriers proposés aux porteurs de projet ; Les conditions de raccordement prévues par les deux cahiers des charges (tension de raccordement fixée à 132 kV) conduisent à limiter le choix des aérogénérateurs éligibles pour ces projets ; Le niveau élevé des pénalités et des garanties à constituer au bénéfice de l'Etat et de RTE restant à la charge des candidats en cas d'abandon du projet ; La place toujours trop faible laissée à la notation de la robustesse technique et financière dans l'évaluation des offres, au regard de la notation relative au prix ; Les incertitudes sur les coûts d'installation des radars de compensation et l'impact sur le projet des contraintes militaires; Les incertitudes sur l'impact des mesures de compensations imposées au titre de la protection de la biodiversité (bridages avifaune)
En particulier, les coûts d'investissement sont en hausse d'après les candidats du fait d'une augmentation des tensions sur les chaînes d'approvisionnement en matières premières, mais surtout sur les capacités industrielles (pour la fabrication des aérogénérateurs et des fondations), maritimes (navires de transport et d'installation) et portuaires, entrainant une hausse des coûts sur toutes ces composantes…
La CRE estime in fine que le prix plafond (fixé à 75 €/MWh pour la procédure AO4 et à 70 €/MWh pour la procédure AO8) a pu contraindre certains candidats présélectionnés à ne pas déposer d'offre."
4b) La faiblesse maintes fois dénoncée du critère solidité financière des projets
Dans ce contexte incertain, le sous-critère relatif à la robustesse technique et financière doit encore évoluer et être renforcé. La CRE recommande ainsi (i) d'augmenter la pondération du sous-critère relatif à la robustesse technique et financière, (ii) d'élargir, dans les futurs cahiers des charges, le champ d'application de certains des sous-critères, en évitant les définitions trop restrictives
La CRE réitère sa recommandation d'inclure une analyse du niveau de rentabilité prévisionnel dégagé par le candidat (« TRI Projet ») et sa crédibilité : un projet dont le TRI Projet serait jugé insuffisant au regard des risques inhérents au projet n'obtiendrait pas de points au titre de ce sous-critère.
La CRE regrette qu'aucun sous-critère de robustesse ne permette d'analyser la crédibilité des hypothèses de revenus retenues par les candidats et recommande donc d'introduire un sous-critère sur ce sujet, qui permette notamment d'évaluer : la crédibilité des hypothèses de productible retenues… La CRE a ainsi pu constater, dans le cadre de son instruction de la procédure AO8, que les candidats retiennent des hypothèses très différentes s'agissant des revenus de marchés et du versement de la prime pour prix négatifs : Ces hypothèses ont permis aux candidats de considérer des revenus supplémentaires, qui n'ont pas pu faire l'objet d'une évaluation dans le champ du critère de robustesse malgré leur caractère dimensionnant et incertain.
La CRE regrette la restriction du critère sur la crédibilité technique des projets à l'examen de la seule puissance unitaire des aérogénérateurs »






