Avec trop de productions ENR, les interconnexions ne sont plus une solution, mais un problème !
L'Allemagne prévoit de vastes projets d'interconnexion – et elle en a sacrément besoin pour évacuer ses surplus de production variables intermittentes quand le vent souffle et importer massivement quand ce n'est pas le cas. Sauf que plus personne ne veut s'interconnecter avec elle en raison du risque grave de perturbations du réseau. Et les pays proches considèrent ces interconnexions non comme une solution, mais comme une exportation des problèmes allemands ( "une situation absolument merdique" disent les norvégiens) qui va encore s'amplifier avec le développement de l'éolien en mer.
C'est un mantra de la propagande ENR : avec plus d'interconnexions, c'est bon, on a la solution. Eh bien c'est exactement l'inverse qui se produit : plus il y a de productions ENR en Europe, moins les interconnexions ça marche ! Les épisodes récents de dunkelflaute (pénuries de vents) n'ont fait que servir de révélateurs à une situation que dénoncent notamment les pays nordiques.
Les interconnexions tant vantées ne sont pas la solution miracle qui permettrait de remédier à une part trop importante d'énergies fatales fortement variables, comme l'éolien en mer. Et dans une péninsule énergétique comme la Bretagne, les ENR ( l'éolien offshore) risquent, comme en Allemagne de provoquer une embolie complète du réseau électrique, y compris dans les régions voisines.
Quand l'Allemagne exporte ses problèmes en Suéde et éclate façon puzzle le marché suédois de l'électricité
Mercredi 11 décembre 2024, les consommateurs de Göteborg, dans le sud de la Suède, ont payé leur électricité 219 fois plus cher que ceux de Luleå, au nord… Le journaliste économique Andreas Cervenka note que mercredi les prix de l'électricité dans le sud de la Suède étaient 18 000 % plus élevés que dans le centre du pays, et qu'une douche de 10 minutes dans le sud de Malmö coûte plus de 31 SEK (2,65 €), contre 0,17 SEK (0,01 €) dans le centre de la Suède, à Sundsvall. Selon Andreas Cervenka, le marché suédois de l'électricité « commence à ressembler à une blague très ratée »
Lorsque la production éolienne de l'Allemagne voisine est faible, l'électricité suédoise est exportée pour combler l'écart, ce qui réduit l'offre disponible pour les consommateurs suédois et fait grimper les prix. Le problème d'approvisionnement et le prix découlent d'une mauvaise connexion entre le nord de la Suède, où il y a un excédent d'énergie hydroélectrique, et le sud de la Suède, où la demande d'énergie plus élevée et la production locale limitée entraînent de fréquentes pénuries. Ce problème structurel est ensuite exacerbé par le couplage des marchés basé sur les flux, un mécanisme du marché de l'électricité de l'UE conçu pour optimiser les flux transfrontaliers d'électricité en donnant la priorité à la demande sur l'ensemble du réseau européen plutôt que de se concentrer sur les besoins nationaux. Ce système a été introduit en Suède en octobre 2024 dans le cadre des efforts de l'UE pour rendre l'utilisation de l'énergie plus efficace en Europe, mais a eu un impact catastrophique sur les prix de l'électricité dans les régions méridionales de la Suède. La ministre suédoise de l'énergie, Ebba Busch s'est déclarée « furieuse contre l'Allemagne pour avoir démantelé ses centrales nucléaires » Lien
Et quand en conséquence, les Suédois refusent l'établissement de nouvelles connexions avec l' Allemagne…
La situation de Dunkelflaute n'a fait que servir de révélateur à une situation fondamentalement ingérable. De fait, dès juin 2024, la Suède avait fait savoir qu'elle refusait finalement la mise en place du Hansa PowerBridge. Il s'agissait d'une une ligne électrique de 300 km qui devait relier l'Allemagne et la Suède au travers de la mer Baltique…
Le Hansa PowerBridge avait pour objectif d'aider à stabiliser les prix de l'électricité en Allemagne. Outre-Rhin, en effet, les prix sont très variables, du fait de deux facteurs, notamment. En premier lieu, une forte dépendance au prix du gaz… En second lieu, la variabilité de la production des énergies renouvelables, qui conduit à des chutes du prix de l'électricité lorsque les moyens intermittents produisent au même moment. L'idée qui soutenait le projet était de pouvoir compter sur le marché suédois pour stabiliser les prix du réseau allemand. »
Ben oui, mais les Suédois sont pas d'accord :
« La raison principale avancée par le gouvernement suédois est l'inadéquation entre les systèmes de production électrique allemands et suédois… Est évoqué le fait que le marché de l'électricité en Allemagne ne « fonctionne pas de manière efficace ». Cette tournure de phrase désigne bien sûr les fortes variations de prix, oscillant entre les prix positifs très élevés et les prix négatifs.
Les craintes de Stockholm résident dans le fait que le marché allemand pourrait participer à la perturbation du marché suédois, conduisant à augmenter les prix locaux. Ebba Busch, ministre de l'Énergie et l'industrie, a ainsi déclaré : « La Suède a besoin de conditions prévisibles pour construire des réseaux de production et de distribution d'électricité qui favorisent un système électrique offrant des prix compétitifs. ». Le communiqué indique que les acteurs de l'énergie en Suède n'ont pas identifié de besoin qui justifierait cette interconnexion. ». Lien
Et la Norvége veut même mettre fin aux connections existantes avec le Danemark et l'Allemagne : "une situation absolument merdique"
Confrontée aux mêmes problèmes, la Norvège a les mêmes réactions. Pendant l'épisode de DunkelFlaute de décembre 2024, le ministre norvégien de l'énergie, Terje Aasland, a qualifié la situation d'instabilité du marché « d'absolument merdique » et affirmé sa volonté de couper ces interconnexions avec l'Allemagne, Il a notamment expliqué que les réservoirs hydrauliques norvégiens, qui étaient alors pleins avaient profité aux contrats avec le Danemark et l'Allemagne, qui avaient anticipé une panne de vent, et que la Norvège avait été touchée de plein fouet par l'envolée du cours du MWh lié au démarrage des centrales allemandes les plus coûteuses, alors qu'elle ne subissait aucune vague de froid.. Financial Time lien
Ainsi le parti du Centre, réclame depuis longtemps la fin de la connexion avec le Danemark et souhaite renégocier les interconnexions existantes avec le Royaume-Uni et l'Allemagne, dont les surproductions pénalisent la rentabilité des moyens de production nationaux, tandis que ses pannes de vent font exploser les cours. Selon le media polonais Visegrad 24, les responsables politiques régionaux de tout bord exhortent le gouvernement à ne pas renouveler les liaisons Skagerrak 1 et 2 (500 MW), mises en service respectivement en 1976 et 1977, qui atteindront la fin de leur durée de vie en 2026 et 2027. JP Riou lien
Dernière nouvelle : cette question des interconnexions vient de faire exploser le gouvernement norvégien juste avant des élections critiques : « Opposé à la mise en application de plusieurs directives européennes sur l'énergie, le Parti du centre a décidé, jeudi, de quitter la coalition. Cette crise a lieu alors que les prix de l'électricité ont de nouveau atteint des sommets en décembre 2024… Nous ne devons pas donner plus de pouvoir au système européen », n'a eu de cesse de répéter le leader du parti et ministre des finances, Trygve Slagsvold Vedum… Les centristes en ont surtout fait une question de principe : ils ne souhaitent pas voir la Norvège s'intégrer davantage à un marché européen de l'énergie qu'ils jugent « dysfonctionnel » et responsable du coût élevé de l'électricité dans leur pays. » lien
Les interconnexions, pas une solution, mais une importation des problèmes allemands !
Si une possible solution pour l'Allemagne réside dans l'interconnexion avec les pays voisins, les exemples de la Norvège et de la Suède démontrent que du point de vue de ces mêmes voisins, cela ressemble plus à une « exportation des problèmes » allemands, plutôt qu'à une solution. Et ces problèmes ne vont faire que s'amplifier avec les très vastes projets d'éolien offshore dans la mer du Nord, en l'absence de systèmes de stockage de très grande ampleur associés. »
Et la France ? Grâce au nucléaire, c'est gagnant pour nous, perdant pour l'Allemagne !
La France, solidement assise sur une production nucléaire revenant à de bons niveaux, pilotable et décarbonée, participe à la stabilité du l'électricité allemande et à sa décarbonation,
Non seulement nous exportons beaucoup, mais ça nous rapporte beaucoup. En effet, les Allemands exportent de l'électricité sans valeur (surproduction éolienne, personne n'en veut à ce moment-là) et importent de l'électricité à coût élevé (pas de vent et/ou pas de soleil). Les joies de du variable Intermittent fatal... Cet avantage évidemment diminuera au fur et à mesure que le mix de production français incorporera de plus en plus d'énergies fatales intermittentes- voire graphe ci-joint.
En revanche, il serait criminel de défigurer nos côtes par un programme gigantesque (45MW d'éolien en mer qui ne ferait qu'ajouter au désordre causé par l'Allemagne et son Energiewende dans le réseau européen .