Classement Unesco et zone éolienne Bretagne sud : les éoliennes sont-elles compatibles avec le classement des sites mégalithiques ?

20/04/2025

En juillet 2025 , et à Paris au lieu de Sofia, se jouera le sort du classement UNESCO des mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan. -enfin, après tant d'années de préparation, l'évidence de la reconnaissance de ce patrimoine mégalithiue unique devrait s'imposer. Sauf que depuis, un intrus s'est introduit dans le paysage, la zone éolienne industrielle de Bretagne sud ; de l'aveu même de la DGEC et des porteurs de projets un certain nombre de sites majeurs seront en covisibilité avec les éoliennes : le tumulus Saint- Michel à Carnac, le Petit Mont à Arzon, des sites mégalithiques de Quiberon et de GroixL'atterrage en plein milieu du champ mégalithique d'Erdeven est également problématique du point de vue du classement Unesco, alors qu'une autre solution de moindre impact est possible ( passage par la voie ferrée (Auray-Quiberon). 

Attaché à l'identité culturelle et environnementale de la Bretagne, PIEBÎEM soutient sans réserve ce projet de classement mais souligne les menaces que fait peser sur lui la zone éolienne Bretagne sud. S'il faut choisir entre les éoliennes et le classement, comme au Mont Saint-Michel, PIEBÎEM choisit les mégalithes. Sans hésitations ! 

Enfin, en juillet 2025, le classement UNESCO des mégalithes de Carnac et du Morbihan- ou pas ?

C'est en juillet 2025, mais finalement à Paris au lieu de Sofia que se jouera le sort du classement UNESCO des mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan. Le dossier comporte 550 monuments mégalithiques recensés sur un territoire de plus de 1000 km², s'étendant de la Baie de Quiberon au Golfe du Morbihan, soit 28 communes concernées. Tumulus, cairns, parfois gravés comme à Gavrinis ( la "chapelle sixtine" du mégalithique) ou au Mont Arzon, dolmens, menhirs, c'est un patrimoine unique datant d'environ 6500 ans- le tumulus Saint-Michel, à Carnac, c'est 2 700 ans avant les premières pyramides égyptiennes. C'est aussi un patrimoine qui a trop longtemps été ignoré et la démarche d'inscription à l'Unesco est l'aboutissement d'un effort entamé depuis 2013 par, entre autres, Paysages de Mégalithes. Lien lien. L'ensemble mégalithique d'Erdeven fait d'ailleurs toujours l'objet de recherche, la délimitation de l'aire mégalithique et les découvertes que l'on peut y faire réservent encore des surprises. Ainsi, en 2024, une équipe d'archéologues et de géophysiciens, de Toulouse, La Rochelle et Bordeaux, ont découvert des menhirs couchés et des fours à cuisson sur le site du Manio, à Carnac en utilisant de nouvelles techniques combinant détection électrique, magnétique et radar lien lien

Sauf que depuis, un intrus s'est introduit dans le paysage, la zone éolienne industrielle de Bretagne sud

Selon les études paysagères effectuées par la DGEC et par Setec environnement, la société sélectionnée par les porteurs de projets pour l'étude environnementale, de nombreux sites mégalithiques seront en covisibilité forte avec les éoliennes de la zone Bretagne sud. Sans prétendre à l'exhaustivité, quelques sites particulièrement emblématiques seront notablement affectés par une covisibilité avec la zone éolienne Bretagne sud :

Deux exemples particulièrement emblématiques : le tumulus Saint-Michel à Carnac et le Petit Mont à Arzon

Selon le rapport Setec Environnement sur l'état initial paysager( lien), la côte des mégalithes et la presqu'ile de Rhuys ont pour particularité d'être positionnées dans un secteur de l'aire d'étude où la Zone d'Implantation du Parc (ZIP) est toujours perçue, au moins partiellement, en arrière des horizons terrestres de la presqu'île de Quiberon et/ou de Belle-Île-en-Mer.

En matière de patrimoine protégé, deux sites mégalithiques sont exposés à des perceptions de la ZIP : le tumulus de la chapelle Saint-Michel à Carnac, qui est également un belvédère sur Carnac, et le paysage maritime et le cairn de Petit Mont à Arzon, aux abords duquel l'océan est visible. Tous deux sont situés dans le périmètre de la candidature pour l'inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO des Paysages de Mégalithes.

Le tumulus Saint-Michel est l'exemple le plus abouti du tumulus dit carnacéen et renferme plusieurs structures funéraires d'architectures diverses (chambres dolméniques, coffres). Le caveau central, découvert dès 1862, a livré un riche mobilier funéraire. Le cairn de Petit Mont est un ensemble mégalithique monumental, construit en plusieurs phases durant le Néolithique, dont les chambres sont abondamment décorées de gravures.

A Quiberon, en matière de patrimoine protégé, plusieurs mégalithes et tertres tumulaires proches de la Côte sauvage sont « exposés à des perceptions » (Sic) . Tous sont classés situés dans les périmètres de la candidature pour l'inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO des Paysages de Mégalithes. En bordure de la D 186a, notamment, le tertre tumulaire de Kerniscop est particulièrement concerné. NB : il s'agit principalement des trois menhirs de Beg er Goalennec, classés au titre des monuments historiques en 1931 ; le menhir sud, appelé Bonnet de l'Evêque a été restauré en 1984.

Depuis l'île de Groix, les « perceptions » (sic !) de la Zone d'Implantation du Parc (ZIP) se concentrent sur le littoral sud de l'île, de la pointe de la Croix et celle de Pen Men. Le long de cette partie peu urbanisée du littoral de l'île, la ZIP est néanmoins visible depuis Locmaria, sa plage et son port. Sont également exposés à des "perceptions" plusieurs mégalithes proches du trait de côte, ainsi que le site archéologique du camp des Gaulois. La ZIP est bien visible depuis les abords du phare des Chats. De fait, un mégalithe, à proximité du phare des Chats, a été découvert en 2017 à la suite d'un recul de la dune, probablement un dolmen en allée couverte. Le Menhir de Kermario est l'un des monuments mégalithiques les plus importants par la taille. Cette pierre dressée, haute de près de six mètres, gravée, est dressée sur une colline rocheuse surplombant la mer. Le camp des Gaulois, à la pointe du château de Kervédan date de l'Âge du fer, probablement du Ier siècle av. J.-C., et a été classé monument historique en 1951 ; c'est un éperon barré précédé de deux ou trois remparts.

L'atterrage à Erdeven en plein champs mégalithique : sérieux risques des forages et de découvertes archéologiques- « c'est mettre en difficulté notre dossier »

Autre problème qui risque de laisser dubitative la Commission UNESCO chargée du classement l'atterrage à Erdeven : trois câbles de 250000 volts (une liaison simple, une liaison double séparées en moyenne de 4 à 5 mètres) arriveraient sur la plage de Kerhillio à Erdeven, passeraient par forage dirigé sous la dune, sous la nationale, puis sous les alignements de mégalithes uniques d'Erdeven pour rejoindre un poste électrique à Pluvigner de 7 hectares.

Un forage dirigé, c'est un forage sans tranchée, mais un forage horizontal effectué sous haute pression en utilisant des fluides de forages injectés pour ameublir le sol. A quelle profondeur ? Souvent RTE varie, qui a annoncé tantôt 5 à 10 mètres sans problèmes, tantôt 1,5 mètres. Cela serait-il vraiment sans conséquences sur les menhirs dont la fragilité est bien connue ?- il est arrivé que certains s'effondrent !

RTE lui-même n'est pas très serein quant à la trajectoire choisie (« de moindre impact », ce qui est manifestement faux). Parmi les risques mentionnés dans son document Enjeux environnementaux du raccordement électrique lien figure expressément : « le risque de découverte archéologique est possible. Le Service régional de l'archéologie est rencontré en amont du projet et peut prescrire une fouille archéologique préventive avant le lancement du chantier ». Compte-tenu en effet de la richesse archéologique de la zone, y compris sous l'eau, ce serait une bonne idée, ; il semble qu'elle ait été abandonnée au profit d'un simple diagnostic archéologique à la suite duquel l'INRAP « dira à RTE où passer ». PIEBÎEM conteste évidemment cette décision :il faut, avant toute décision définitive sur le tracé, mettre en place des fouilles préventives.

  "C 'est mettre en grande difficulté notre dossier "Une autre solution était possible : le tire-bouchon

En 2022, le maire de Carnac, Olivier Lepick, également président de Paysages de Mégalithes qui porte le projet de classement UNESCO, avait d'ailleurs exprimé sa stupéfaction et son inquiétude devant la solution choisie par RTE : « C'est surprenant de la part de l'État. Ils connaissent le projet d'inscription des mégalithes. Ce n'est pas possible que l'atterrage passe au milieu de notre zone, car c'est mettre en grande difficulté notre dossier. C'est d'autant plus curieux, qu'ils nous ont toujours garanti qu'ils contourneraient la zone ». (Le Télégramme, À Carnac, le projet d'éoliennes flottantes va-t-il faire de l'ombre aux menhirs ? 18 novembre 2022)

En effet, RTE est revenu sur ses engagements initiaux de passer le long de la voie ferrée vers Quiberon (le « tire-bouchon ») qui, au moins pour la partie terrestre du raccordement, ne posait pas de problème. RTE y a semble-t-il renoncé parce que, à l'époque du choix du faisceau « de moindre impact », il existait alors des incertitudes sur les travaux que la SNCF devait accomplir- et sur la pérennité même de la voie ferrée - un remplacement possible par des bus était évoqué. Le tire-bouchon était menacé de disparition à l'horizon 2027, mais, au contraire, il a finalement été choisi de le moderniser avec pour objectif à terme, d'étendre le fonctionnement de la ligne sur toute l'année. Les travaux SNCF débuteront en 2026, cf. le Tire-Bouchon est sauvé, lien. Cette solution redevient donc possible, en même temps que les travaux SNCF. Il serait inconcevable que le choix finalement imposé par RTE au mépris de ses engagements initiaux mette en péril le classement UNESCO des mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan.

Entre les mégalithes et les éoliennes, PIEBÎEM choisit résolument les mégalithes

Qu'il s'agisse de la covisibilité de sites mégalithiques prestigieux et spécifiquement inclus dans la demande de classement ou du passage du raccordement à travers le champ mégalithique d'Erdeven, c'est en fait une forme de mépris qu'on pensait révolu vis-à-vis de ce passé mégalithique si unique et encore si mystérieux, qui resurgit ; c'est la banalisation d'atteintes à un patrimoine historique et culturel caractéristique de l'identité même de la Bretagne ; c'est une forme de profanation tranquille et assumée d'un lieu d'histoire, de culte et de mémoire sans équivalent - imagine-t-on des éoliennes visibles du château de Versailles et un raccordement à travers son parc ? Il n'y a aucune justification à cela, et surtout pas des projets éoliens d'intérêt climatique nul voire négatif en France, dangereux pour la sécurité d'alimentation électrique, ravageurs pour nos paysages littoraux et leur riche biodiversité et économiquement non soutenables.

Dans les statuts et le nom même de PIEBÎEM figurent expressément la défense de l'identité culturelle de la Bretagne et la préservation des patrimoines naturels, historiques et/ou archéologiques (mégalithes, menhirs dolmens, tumulus, allées couvertes etc.) qui font la spécificité de nos territoires. PIEBîEM soutient sans réserve le projet de classement Unesco de ce patrimoine et il serait impensable que ce projet porté par beaucoup échoue à cause des éoliennes de la zone éolienne de Bretagne sud et de leur raccordement.

Cette menace n'est pas illusoire : en 2011, le Comité du patrimoine mondial de l'Unesco a demandé à la France de suspendre les projets de parcs éoliens qui pourraient avoir un impact visuel sur la baie du Mont-Saint-Michel, et de fait, l'État français a annoncé la préparation d'un périmètre de vingt à quarante kilomètres autour du Mont-Saint-Michel, visant à exclure toute présence d'éoliennes dans cette zone et au moins un projet éolien, à 24 km du rocher dans la baie, à Argouges, a été annulé. lien . Ci-joint : note complète