Concertation CNDP sur la PPE3 : ce que disent les cahiers d’acteurs sur la demande électrique

30/01/2025

La CNDP a rendu son rapport sur la consultation sur la Programmation Pluriannuelle de l'Energie (version 3) et sur la SNBC (Startégie Nationale Bas Carbone) ; consultation organisée par la DGEC (Direction de l'Energie et du Climat) et non par la CNDP qui n'en est que le garant. PIEBÎEM en donne ici un compte rendu axé sur la question de l'évolution de la demande électrique, question cruciale mais pourtant malheureusement insuffisamment traitée dans le rapport de la CNDP et sur laquelle nous souhaitons interpeller le gouvernement- nous n'avons pas besoin d'éolien en mer d'ici à  2035

PIEBÎEM : Nécessité d'une appréciation réaliste de la demande électrique d'ici 2035 et inutilité de l'éolien off shore ; Académie des Sciences : Des incohérences - pourquoi envisager 200 TWh d'énergies renouvelables (EnR) supplémentaires en 2035 ? ; Sauvons le Climat : Les très importants objectifs éoliens et PV ne sont pas cohérents avec une consommation qui a régressé .. Cette situation est donc porteuse d'un risque majeur d'investissements sous-utilisés à court terme ; EDF : Trop d'ENR implique trop de contraintes pour le nucléaire, il faut réévaluer la demande totale d'électricité ; Patrimoine Nucléaire et Climat : développement très prudent des ENR intermittente ; Cérémé : Pas de bouclage demande offre, arrêt des aides publiques aux ENRi ; Fondation Concorde : les ENR intermittentes constituent un incroyable gaspillage économique, mais surtout un « crime » contre le climat ; Vent des Maires : Les objectifs de développement des énergies renouvelables en regard des tendances de la consommation de l'électricité observées font au minimum débat ; Sites et Monuments : le sacrifice de nos paysages incompréhensible dans une période de diminution de la consommation.

PIEBÎEM : Nécessité d'une appréciation réaliste de la demande électrique d'ici 2035 et inutilité de l'éolien off shore

La PPE doit se fonder sur une appréciation réaliste de la demande électrique. Dans une note publiée le 23 octobre 2024 et qui constitue un véritable retournement, la DGEC reconnait enfin l'évidence : « L'électrification de l'économie française pourrait s'avérer plus lente que prévu, entraînant une hausse de la consommation d'électricité moins importante qu'anticipé d'ici 2035… Ce qu'on voit, c'est qu'en termes de consommation d'électricité, on est plutôt en dessous du scénario central qu'on avait publié en 2023, qui était le 580-640 TWh par an ».

En cause, la transition des véhicules vers l'électrique, le rythme d'installation des pompes à chaleur dans les bâtiments. Et surtout « le directeur de la flexibilité de RTE note également un retard dans le développement de l'hydrogène, qui devait constituer le plus gros facteur de hausse de la demande d'électricité, avec une consommation de 24 TWh environ en 2030 puis de 65 TWh en 2035, contre 38 TWh par exemple pour les voitures électriques. (La demande d'électricité révisée à la baisse d'ici 2035, Montel News).

En fait deux facteurs se conjuguent. D'une part, une demande augmentant moins vite qu'anticipé, parfois pour de bonnes raisons (augmentation plus vite que prévu de l'efficacité énergétique, retour à la réalité dans le domaine de l'hydrogène) et pour d'autres plus inquiétantes (sobriété subie ou même précarité énergétique, choix fiscaux encourageant peu le passage à l'électricité, retards dans la réindustrialisation). Globalement, le coût, les conséquences sociales (automobile) et les difficultés de la transition énergétique ont été sous-évalués.

Et d'autre part, une production nucléaire augmentant plus vite que prévu : sous-estimation de la production nucléaire et de ses possibilités d'évolution, prolongation plus importante et plus systématique des centrales nucléaires existantes, solaire. Enfin, les solutions énergétiques non électriques (solaire thermique, géothermie…) semblent avoir été sous-évaluées.

En conclusion, tout pointe vers des besoins électriques nettement moindres qu'anticipés d'ici 2035…. et donc vers l'inutilité de l'éolien offshore, en dehors même de ses inconvénients pour le littoral, la vie marine et l'identité même de la Bretagne. Après 2035, le nucléaire pourra prendre le relais pour une transition énergétique réussie, soutenable économiquement et socialement, et plus respectueuse de l'environnement. CA n°13 lien 

Académie des Sciences : Des incohérences - pourquoi envisager 200 TWh d'énergies renouvelables (EnR) supplémentaires en 2035 ?

« Le document présente des fragilités qui en affaiblissent la portée. Il s'agit en particulier (i) du manque de cohérence des données chiffrées relatives à la consommation d'énergie et la consommation électrique, (ii) du manque de justification chiffrée (données de gain et de sobriété à l'appui) des scénarios de baisse de la consommation énergétique et d'augmentation de la consommation électrique proposés, (iii) de la baisse considérable des moyens de production pilotables mettant à mal la stabilité du réseau… : il est parfois difficile de savoir si on parle de consommation ou de production électrique, et aucune précision n'est donnée sur le niveau d'exportation (écart entre production et consommation) envisagé10. Cela est lourd de conséquences : si les données de la figure 1 (p.9) sont exactes, avec des besoins en électricité de 508 TWh en 2035, aucune capacité supplémentaire de production électrique ne serait alors nécessaire, la production actuelle étant suffisante ! Pourquoi, alors, envisager 200 TWh d'énergies renouvelables (EnR) supplémentaires ? CA n°37 lien 

Sauvons le Climat : Les très importants objectifs éoliens et PV ne sont pas cohérents avec une consommation qui a régressé .. Cette situation est donc porteuse d'un risque majeur d'investissements sous-utilisés à court terme.

« La situation actuelle se caractérise par deux facteurs principaux : d'une part une production en forte hausse, grâce au retour de la performance du nucléaire, d'une excellente hydraulicité et de productions éoliennes et photovoltaïques également croissantes; d'autre part une consommation d'électricité qui ne progresse plus et est revenue au niveau de celle de 2005…

Cet écart très important entre production abondante et consommation stagnante questionne donc la vitesse et l'importance des déploiements de nouveaux moyens de production éoliens et photovoltaïques projetés dans la PPE3 : augmenter la production alors que la consommation ne suit pas à la même vitesse conduit en effet à trois types d'investissement échoués de grande ampleur: D'abord, les nouveaux moyens éoliens et photovoltaïques mis trop tôt en service devront être fréquemment et massivement écrêtés pour assurer la sécurité du réseau. De plus, si le régime actuel du complément de rémunération est prorogé, les coûts de ces écrêtements seront pour l'essentiel pris en charge par l'Etat, et non par les promoteurs de ces installations, et ensuite répercutés dans les factures des consommateurs, augmentant les prix de l'électricité ; Ensuite, lorsque ces nouveaux moyens ne seront pas écrêtés, c'est le nucléaire qui devra baisser sa charge, au détriment de sa production, c'est-à-dire de sa rentabilité, car il est très mal rémunéré pour adapter sa charge..

Les très importants objectifs éoliens et PV ne sont pas cohérents avec une consommation qui a régressé et mettra du temps à croître dans les années à venir eu eu égard à la situation économique et financière du pays. Cette situation est donc porteuse d'un risque majeur d'investissements sous-utilisés à court terme, essentiellement payés par la collectivité des consommateurs-contribuables" CA n°53 lien 

EDF : Trop d'ENR implique trop de contraintes pour le nucléaire, il faut réévaluer la demande totale d'électricité

« Les fortes variations de puissance demandées au parc, sur de courtes durées, font apparaître des contraintes, sur les équipements et sur les organisations, jamais rencontrées jusqu'alors. Il en résultera par ailleurs une augmentation du coût agrégé du système électrique au détriment de la collectivité. De manière plus systémique, les cibles de développement de capacités bas carbone, notamment de PV à court terme, qui calibrent les montants des appels d'offres, pourraient être réévaluées régulièrement en fonction de l'évolution tendancielle effectivement constatée sur la demande totale d'électricité. La prochaine PPE pourrait introduire ce type de mécanisme, tout en assurant un minimum de visibilité et de stabilité aux acteurs et aux filières industrielles concernées. » Cahier d'acteur n°363 lien 

Patrimoine Nucléaire et Climat : développement très prudent des ENR intermittente: aucune entité n'est aujourd'hui missionnée pour optimiser le programme d'investissement et garantir un équilibre pilotables/EnRi acceptable, techniquement et économiquement.

« Il est préoccupant que, depuis 2019, la baisse ( de la demande électrique) ait plus concerné l'activité économique (industrie et tertiaire - 9,5%), que la vie des Français (résidentiel et transports - 4,5 %). Les incertitudes sur l'évolution de la consommation conduisent PNC à recommander une dynamique de développement très prudente des énergies électriques intermittentes (EnRi), très capitalistiques, et à favoriser une remise à niveau des capacités pilotables au bénéfice de la robustesse de notre mix…

Les EnRi ont été massivement déployées, 47 GWe et 73 TWh/an aujourd'hui, sans garantie de production ni responsabilités dans l'équilibre du réseau.

Aucune entité n'est aujourd'hui missionnée pour optimiser le programme d'investissement et garantir un équilibre pilotables/EnRi acceptable, techniquement et économiquement. L'impact sur la stabilité du réseau et sur les prix du développement massif d'EnRi est largement sous-estimé. PNC-France estime que la puissance publique, la DGEC en particulier, devrait prendre en charge cette évaluation, avec le soutien d'EDF et de RTE » « PNC-France estime que cette PPE, plus incantatoire que réaliste, est vouée à l'échec : des objectifs majeurs sont inatteignables et entraineront des troubles sociaux et politiques qui obéreront leur atteinte. La France est en droit d'attendre un plan qui prend en compte l'impératif d'une énergie bon marché, décarbonée, fiable et maîtrisée, ayant la réactivité nécessaire à l'évolution constatée de la consommation. Retarder encore la relance du nucléaire fragilise l'industrie et les performances de notre mix à l'horizon 2050. » CA n°9 lien 

Cérémé : Pas de bouclage demande offre, arrêt des aides publiques aux ENRi

La faisabilité technique de ce projet de PPE n'est pas démontrée. Il y manque un bouclage entre la demande d'énergie et l'offre… Le scénario du Cérémé repose sur 4 piliers : 1) Forte relance du nucléaire civil, en prolongeant la durée de vie du parc existant et en construisant 24 EPR II d'ici 2050 ; 2) Développement des autres énergies pilotables, comme l'hydraulique ou le biogaz ; 3) Arrêt des aides publiques aux EnRi, qui sont coûteuses et qui ne permettent pas de sécuriser l'approvisionnement en électricité ; 4) Maintien des capacités d'interconnexions avec les pays voisins à leur niveau actuel. Ca n°27 lien 

Fondation Concorde : les ENR intermittentes constituent un incroyable gaspillage économique, mais surtout un « crime » contre le climat

Nous regrettons que le dossier de la PPE ait complétement éludé l'impact de la politique de développement des ENR intermittentes, éolien et photovoltaïque, sur le prix de l'électricité dont le niveau facilitera ou freinera cette substitution. Nos analyses montrent que, en France, le développement des ENR intermittentes fait structurellement monter le prix de l'électricité.

Prendre acte de l'échec économique du développement des ENR intermittentes éolien, photovoltaïque : Le nombre de jours de prix négatifs ne cesse de croitre en Europe et les prix de l'électricité sont nuls ou négatifs déjà pendant 8 % du temps en France. L'éolien marin peut par exemple être rémunéré aux producteurs 195 €/MWh grâce au soutien public alors que cette production vaut moins que zéro car on ne sait pas quoi en faire. On paye donc des acheteurs pour s'en débarrasser.

Le développement des ENR intermittentes inscrit dans la PPE 3 constitue donc un incroyable gaspillage économique, mais surtout un « crime » contre le climat. Les gigantesques surcoûts des ENR intermittentes pourraient permettraient de réduire considérablement nos émissions de CO2 si on investit ces sommes dans les techniques permettant de substituer notre l'électricité nucléaire décarbonée aux énergies fossiles dans les usages énergétiques : voiture électrique, pompes à chaleur CAn°33 lien 

Vent des Maires : Les objectifs de développement des énergies renouvelables en regard des tendances de la consommation de l'électricité observées font au minimum débat

Remettre la démocratie locale au centre des décisions… Etablir clairement et honnêtement les données sur lesquelles la transition énergétique doit être fondée. Les objectifs de développement des énergies renouvelables en regard des tendances de la consommation de l'électricité observées font au minimum débat ; pour beaucoup, elles ne sont pas justifiées. Quant à l'assimilation des énergies renouvelables à un moyen idéal pour diminuer nos émissions de CO2, ce n'est pas une proposition vérifiée, ni par l'Académie des Sciences, ni par le rapport RTE 2050 qui montre au contraire que l'augmentation des énergies renouvelables dans le mox électrique aboutit à une augmentation de l'empreinte carbone de la France. l*La PPE devrait être sur ce point irréprochable- elle ne l'est pas. » CAn°45 lien 

Sites et Monuments : le sacrifice de nos paysages incompréhensible dans une période de diminution de la consommation

La certitude et la massivité de la dégradation de notre cadre de vie - atout majeur pour notre pays - induites par le projet de PPE doivent être comparées au coût, à l'incertitude ou à la modestie du gain pouvant être espéré dans le domaine de l'indépendance énergétique et de la diminution des rejets de GES. Ce constat doit conduire à revoir les objectifs de la PPE en y intégrant notamment une évaluation des utilités économiques, environnementales et patrimoniales.

Le sacrifice de nos paysages - que rien ne justifie - est d'autant moins compréhensible dans une période de diminution de la consommation et de surproduction d'électricité, avec une variabilité des prix de plus en plus forte pénalisant les exportations (prix négatifs). CA n°354 lien 

Cf en PJ notre cahier d'acteur et cet article sous forme de note.