Concertation DGEC/ CNDP sur la PPE3 (2) : le rapport des garants et l’avis de PIEBîEM

02/02/2025

Dans leur note sur du 23 mai 2024, les garants CNDP à peine nommés indiquaient que « il semble nécessaire que la concertation permette de débattre des points suivants :la mise en évidence des trajectoires possibles pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et les scénarios de court terme (2035) qui répondent à ces objectifs…, l'équilibre global de l'offre et de la demande en énergie et la disponibilité des ressources… les enjeux d'adaptation du réseau électrique, les enjeux financiers du mix de production d'électricité (impacts sur la fiscalité et sur le prix de l'énergie), les enjeux socio- économiques, les impacts environnementaux des choix proposés.

On en est très, très loin et PÎEBIEM dénonce une démarche à la légalité douteuse qui constitue un déni de démocratie locale, nationale et environnementale et, éléphant dans la pièce, l'absence de prise en compte de la faiblesse de l'évolution de la demande électrique et la nécessité de révision des scenarios pour une PPE plus réaliste. 

1) Ce que les garants eux-mêmes en disent : incertitude du cadre juridique, insuffisance de l'évaluation environnementale, et de l'évaluation financière ; 2) Discussions sur les scenarios, l'équilibre globale de l 'offre et de la demande, les enjeux d'adaptation du réseau électrique : non traité dans le rapport; 3)Cadre juridique incertain : il faut une loi de Programmation Energie Climat (LPEC) ; 4) Manque d'évaluation financière et des impacts économiques; 5) Manque d'évaluation environnementale et ignorance des problématiques de biodiversité ; 6) Autres citations dans le rapport : PIEBîEM, nucléaire….

Lien vers le compte-rendu de la consultation 

1) Ce que les garants eux-mêmes en disent : incertitude du cadre juridique, insuffisance de l'évaluation environnementale, et de l'évaluation financière

« Les garants considèrent toutefois 1) que le document est resté incomplet en ce qui concerne le financement de la transition énergétique ; que l'argumentation est restée insuffisante sur le cadre juridique de l'élaboration des décrets SNBC et PPE en l'absence de loi de programmation énergie climat. »

« Enfin et surtout, l'information du public peut être considérée incomplète sur trois points fondamentaux : 1) l'articulation des documents soumis à concertation avec leur encadrement juridique, avec notamment l'absence d'une loi de programmation énergie climat ; l'évaluation environnementale, même si juridiquement le porteur de programmes n'était pas tenu à fournir cet avis en phase de concertation ; le volet financier des programmes envisagés, avec un faible niveau d'explication en ce qui concerne le niveau des investissements et leur répartition entre les différents modes de financement (usager, contribuable, dette…).

Parmi ce que les garants considèrent comme les leçons du débat, figurent le besoin de constance dans les politiques publiques, le besoin de visibilité pour les acteurs économiques et un thème de la biodiversité ignorée.

Eh bien, ce n'est pas gagné! Cadre juridique incertain, pas d'évaluation environnementale, pas d'évaluation financière : autant dire qu'on fonce dans le mur les yeux fermés.

2) Discussions sur les scenarios, l'équilibre globale de l 'offre et de la demande, les enjeux d'adaptation du réseau électrique : non traité dans le rapport

PIEBÊM s'inquiète que la CNDP ne mentionne pas dans son compte-rendu l'« éléphant dans la pièce » que constitue la faiblesse de l'évolution de la demande électrique soulignée par nous-mêmes et nombre d'associations et d'institution (Académie des Sciences, Sauvons le Climat, Patrimoine Nucléaire et Climat, EDF, Fondation Concorde, Vent des Maires…), une question pourtant cruciale : La PPE doit se fonder sur une appréciation réaliste de la demande électrique. Or, « avec des besoins en électricité de 508 TWh en 2035, aucune capacité supplémentaire de production électrique ne serait alors nécessaire, la production actuelle étant suffisante ! « (Académie des Sciences). Dans cette hypothèse, le développement de l'éolien en mer serait inutile. C'est donc une discussion critique sans laquelle la PPE n'a aucun sens, et qui ne semble pas avoir retenu l(attention des garants. ( vf notre fil d'actu précédent Concertation CNDP sur la PPE3 : ce que disent les cahiers d'acteurs sur la demande électrique lien et la note ci-contre.

3)Cadre juridique incertain : il faut une loi de Programmation Energie Climat (LPEC)

En ce qui concerne le cadre juridique des décrets, le rapport cite de nombreux acteurs d'horizons différents relèvent le problème démocratique que pose l'absence de respect du Code de l'énergie. Par exemple, « L'article L.100-1 A du code de l'énergie, issu de la loi énergie-climat de 2019, fixe de façon précise et complète le cadre législatif de définition des objectifs, révisables tous les cinq ans, auxquels doivent se conformer la PPE et la SNBC : ces deux textes, arrêtés par décret, sont soumis à une obligation de compatibilité avec une loi de programmation énergie-climat, qui doit être adoptée par le Parlement et révisée par lui tous les cinq ans. » ( Humanité et biodiversité, Cahier d'acteur n°6)

Pour PIEBÎEM, ce qui se prépare, sauf changement de dernière minute de la part du gouvernement, est donc probablement purement et simplement illégal et PIEBÎEM dénonce un déni de démocratie nationale, locale, environnementale parfaitement scandaleux : ce n'est pas à la DGEC de décider de la politique énergétique de la France, mais au Parlement.

4) Manque d'évaluation financière et des impacts économiques

Le rapport cite notamment sur ce sujet Humanité et Biodiversité (cahier n°6) : « la faiblesse de l'analyse économique : « Le prix de l'énergie, et donc à l'avenir celui de l'électricité, ont une incidence majeure sur la compétitivité des entreprises et le budget des ménages.[…] à moyen terme le coût de production sera toujours pris en charge soit par les consommateurs industriels ou particuliers pour la partie des coûts couverte par les prix de vente, soit par les contribuables selon des mécanismes d'ajustement résultant des mécanismes d'intervention publique, pour le solde. Le dossier mis en concertation est sur ce point particulièrement peu précis. »

Sur les impacts sociaux, le rapport cite le CA 296 (FFC3C intersyndicale de la distribution des combustibles) :"Ces transformations auront à court terme pour conséquence la disparition d'emplois pour lesquels nous demandons qu'une réflexion profonde soit menée par l'ensemble des parties prenantes pour envisager des reconversions."

PIEBÎEM rappelle, et nous l'avions d'ailleurs exprimé dans notre cahier d'acteur que nous n'acceptons pas qu'un objectif de 18 GW d'éolien en mer pour 2035 et 45 GW pour 2050 soit fixé sans débat et sans analyse d'impact environnemental ( biodiversité marine), économique et social ( conflits d'usage de la mer côtière, notamment avec la pêche, coûts réels et complets), électrique ( stabilité du réseau) et sans analyse de l'intérêt climatique. Il est particulièrement scandaleux que l'impact en termes d'emplois dans la pêche, le tourisme, le nautisme de ce programme insensé ne soit jamais évalué !

5) Manque d'évaluation environnementale et ignorance des problématiques de biodiversité

Le rapport cite le CA 26 (Comité 21, environnement durable)) : « La consultation en cours sur la SNBC intervient avec retard. Ce laps de temps n'a malheureusement pas été mis à profit pour préciser certaines orientations (empreinte carbone, horizon 2050…) ni pour conduire l'évaluation environnementale, qui une fois de plus, interviendra trop tard, sans peser sur les orientations de la Stratégie. »

Concernant plus spécifiquement la biodiversité, le rapport cite le CLER ( professionnels de la transition énergétique, CA n° 15) qui «regrette que la protection de la biodiversité soit peu prise en compte, avec le risque de limiter la stratégie environnementale française à la question du carbone alors que la biodiversité fait partie intégrante des limites planétaires, et que sa protection n'est pas moins importante que la réduction des émissions de gaz à effet de serre ».

PIEBîEM y souscrit évidemment

6) Autres citations dans le rapport : PIEBîEM, nucléaire….

PIEBÎEM est la seule association de lutte contre l'éolien en mer mentionnée avec un bref rappel de notre position : « Le programme éolien en mer proposé par la PPE est inacceptable économiquement, socialement, environnementalement » et PIEBîEM demande donc « un moratoire immédiat sur le programme éolien en mer et son évaluation complète par la Représentation Nationale ».

Le rapport revient sur l'opposition entre nucléaire et renouvelable, et de fait, cette question n'est nullement tranchée étant données les difficultés croissantes de cohabitions entre les deux ( prix négatifs, écrêtement, stabilité du réseau, effet des arrêts et redémarrages de réacteurs) et le fait qu'après tout le nucléaire constitue une alternative bien plus efficace climatiquement et supportable économiquement que l'éolien en mer, sans parler des atteintes environnementales- ce qui entraine que la RIIPM ( Raison Impérative d'Interêt Public Majeur) n'est absolument pas justifiée pour les parcs éoliens en mer.

Sites et Monuments (Cahier d'acteur n° 354) est sur cette ligne, qui considère que « Le nucléaire est l'énergie productive et concentrée dans l'espace par excellence […] Cette énergie étant décarbonée, son développement n'appelle aucune observation de notre part. Cette efficacité […] permet également de limiter les réseaux de transport et de stockage d'électricité, autre menace pour les paysages »

Voire également notre communiqué de presse : Concertation sur la Programmation pluriannuelle de l'énergie et stratégie nationale bas-carbone : PIEBIEM dénonce un déni de démocratie locale nationale et environnementale et l'absence de prise en compte de la problématique critique de l'évolution de la demande électrique ; notre cahier d'acteur et ce document sous forme de note Lien vers le compte-rendu de la consultation