Elections européennes et législatives en Bretagne : le positionnement des principaux partis sur la politique énergétique
Les résultats des élections européennes en Bretagne, en attendant les législatives, imposent plus que jamais une réflexion sur la place de l'éolien en mer : PIEBîEM y prendra sa part. Quelques premiers éléments d'information : L'Académie des sciences a proposé avant les Elections Européennes à l'ensemble des candidats têtes de liste des élections européennes de partager leurs positions sur trois thèmes majeurs associant sciences, technique et société qui concernent l'énergie du futur, l'agriculture et la nature, le numérique. De son côté, Energies de la Mer avait fait un exercice de synthèse similaire et très bien fait sur la politique énergétique.
Lien Acad Sci ; Lien Energies de la mer : Quelle place pour les ENR et le Nucléaire dans les programmes français :
Résultat des élections européennes en Bretagne pour les principales listes
Bretagne : Jordan Bardella : 25,58 ; Raphaël Glucksmann : 18,44 ; Valérie Hayer : 17, 41 ; François-Xavier Bellamy : 7,53 ; Marie Toussaint : 7,29 ; Manon Aubry : 7,08 ; Marion Maréchal : 4,23
Morbihan : Jordan Bardella : 28,57 ; Valérie Hayer : 18,5 ; Raphaël Glucksmann : 16,54 ; François-Xavier Bellamy : 7,55 ; Marie Toussaint : 6,49 ; Manon Aubry : 5,55 ; Marion Maréchal : 4, 85
Lien Télégramme ( avec tous les résultats)
Résumé (très synthétique) des positions sur l'énergie des différents acteurs politiques (par ordre d'arrivée en Bretagne)
RN : Nucléaire, pas d'éolien
Le RN n'a pas répondu au questionnaire de l'Académie de Sciences, mais a à plusieurs fois exposé son programme énergétique.
Le RN souhaite indexer le prix de l'électricité sur ses coûts de production, mettre des limites au libre-échange, baisser la TVA sur l'énergie ou refuser la libéralisation des concessions hydrauliques… « En imposant les énergies intermittentes, la Commission saccage le système électrique français qui garantit pourtant notre sécurité d'approvisionnement, une énergie décarbonée et un prix attractif ».
Les « énergies intermittentes » désignent généralement l'éolien et le solaire qui produisent effectivement de manière variable (selon la puissance du vent et l'ensoleillement). Selon Jordan Bardella, elles seraient néfastes pour le mix électrique français. (« Nous nous opposons au développement des énergies intermittentes (éoliennes) imposées par l'UE »). Jordan Bardella appelle à des investissements massifs dans les technologies d'avenir comme le nucléaire de nouvelle génération, l'hydrogène et la géothermie et à la revitalisation du traité Euratom-.
PS- Glucksmann : investissement massif dans les ENR, sobriété, nucléaire en transition ?
"Les énergies renouvelables ont un rôle central à jouer. Notre stratégie pour atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050 repose sur un investissement massif dans les énergies renouvelables afin qu'elles représentent au moins 45% du bouquet énergétique de l'UE en 2030, et 75% en 2040…
En parallèle, nous devrons planifier une sortie des énergies fossiles en Europe : nous tendrons vers la sortie du charbon d'ici à 2030, du gaz fossile d'ici à 2035 et du pétrole d'ici à 2045. En plus du développement des renouvelables, cette sortie sera compensée par des politiques publiques et des investissements dans la sobriété et l'efficacité énergétique, avec un objectif contraignant pour diviser par deux la demande énergétique de l'UE d'ici 2040, par rapport au pic de consommation de 2006…
A moyen terme, une part de nucléaire devra être conservée dans le mix, comme énergie de transition ( vers quoi ?) Ces trois éléments (le déclin rapide des énergies fossiles, le développement massif des énergies renouvelables, accompagné d'une part de nucléaire dans le mix pour la transition) nous permettront de conduire la révolution énergétique qui est au cœur de notre agenda pour 2030.
Renaissance- Valérie Hayer : nucléaire et ENR
« En 2023, la France a fédéré 16 États membres dans une "alliance pour le nucléaire". C'est un signal politique fort : le nucléaire est une énergie d'avenir. Depuis, la Commission européenne a estimé qu'il en faudrait au moins 15 % dans notre mix énergétique pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris. »
"L'énergie nucléaire est stratégique : elle est indispensable pour atteindre nos objectifs de décarbonation et permet de garantir notre indépendance énergétique, notamment vis-à-vis du gaz russe. Afin d'atteindre la neutralité à horizon 2050, il est également indispensable de soutenir le développement du renouvelable partout en Europe pour se munir d'un mix énergétique complet et efficace."
" Nous souhaitons faire de l'Europe le premier continent à l'électricité décarbonée d'ici 2050. Pour y parvenir, nous développerons une véritable stratégie européenne alliant le déploiement des énergies renouvelables, du nucléaire et l'efficacité énergétique. Il s'agit de faire de l'Europe une véritable puissance de l'électricité décarbonée, capable de répondre à la fois aux enjeux climatiques, de souveraineté, de compétitivité, de création de valeur et d'emplois.
Nous déploierons l'énergie nucléaire dans les pays européens volontaires par des investissements massifs. L'Europe doit la financer activement... et lancer un grand projet industriel de réacteurs et de compétences. La production doit tripler d'ici 2050. En investissant dans son développement, nous nous engageons pour une véritable transition vers un mix énergétique à la fois respectueux de l'environnement, accessible et localisé en Europe"
NB : Suite à sa visite du 2 mai à Saint-Nazaire, Bruno Le Maire annonçait « La France s'est fixé des objectifs ambitieux de développement des énergies renouvelables et de diversification du mix énergétique français, afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050. L'éolien en mer fait partie de cette stratégie, avec un objectif d'au moins 45 GW en service en 2050, ce qui représenterait plus de 20 % de notre consommation électrique, avec un point intermédiaire à 18 GW en 2035. » Etaient également annoncés les appels d'offre pour AO6 (2 parcs flottants de 500 MW en Méditerranée) et AO9 « en sud-Bretagne (500 MW), Méditerranée (2 x 500 MW) et au large d'Oléron (environ 1000 MW).
François -Xavier Bellamy, LR : investissements nucléaires massifs, ENR selon volonté des États
« Pour nous, la composition du mix énergétique n'a pas d'importance tant que la production d'énergie est décarbonée et le nucléaire est une énergie décarbonée. C'est la raison pour laquelle nous proposons que l'Union européenne finance au cours des prochaines années un grand programme de construction de centrales nucléaires dans toute l'Europe avec les Etats membres volontaires.
Toutes les études scientifiques sérieuses montrent que nous ne pourrons pas nous passer de l'énergie nucléaire pour atteindre la neutralité carbone en 2050. La France doit donc obtenir que l'effort européen d'investissement pour la décarbonation (notamment à travers le plan de relance européen) soutienne prioritairement le développement de la filière nucléaire. Dans toute l'Europe. Non seulement c'est plus efficace que de financer des éoliennes... "
" Le développement des énergies renouvelables doit être laissé à l'appréciation des États membres et adapté à la spécificité de chaque territoire. Nous refusons de dénaturer nos paysages avec l'implantation déraisonnée d'éoliennes ou de sacrifier des terres agricoles par l'installation non maîtrisée de panneaux photovoltaïques."
" Nous nous opposons au mix énergétique proposé par M. Macron lors du discours de Belfort du 10 février 2022 qui fait la part belle à l'éolien et au solaire au détriment du nucléaire. Avec son scénario, ce serait 400 milliards de dépenses supplémentaires dans les énergies intermittentes ce qui signifierait selon les calculs d'André Merlin.. "
NB : Le groupe LR au Sénat vient de proposer un projet de loi sénatoriale énergie climat qui prévoit un maintien à plus de 60% de la production nucléaire en 2030 et un mix majoritairement nucléaire à l'horizon 2050, avec un objectif de construction de 27 GW d'ici 2050, dont 14 EPR2 et une quinzaine de petits réacteurs modulaires. En ce qui concerne l'éolien en mer, le texte prévoit un GW par an d'ici 2050, c'est-à-dire approximativement 25 GW, prioritairement d'installations flottantes qui respectent les exigences de sécurité des installations électriques, de conciliation avec les activités économiques ou récréatives, de qualité des paysages et de préservation de la biodiversité ». Il n'est pas sûr que les députés et le parti4LR soient sur la même ligne, mais plutôt plus de nucléaire et moins d'éolien
Le gouvernement a amendé ce texte en rétablissant les 45 GW d'éolien en mer, en précisant que « toutes les technologies d'éolien en mer doivent être mobilisées, notamment celle la plus mature, l'éolien posé ». « Pour l'éolien flottant, seules des fermes pilotes sont actuellement en service, et les premières fermes commerciales sont tout juste en cours de développement. Il n'est donc pas souhaitable de prioriser au niveau législatif l'éolien flottant »
Marie Toussaint, Verts : 100% ENR dès 2040, Sortie du nucléaire
"Heureusement, plusieurs scénarios scientifiques nous montrent qu'une Europe 100% renouvelable est possible pour 2040. En plus d'être souhaitables, les technologies existantes sont matures, nous pouvons les déployer rapidement et leur coût n'a de cesse de diminuer. Solaire et éolien permettent de produire l'énergie la moins chère du marché avec le co-bénéfice d'une revalorisation industrielle et d'une création d'emplois massive... Aujourd'hui, le redéploiement du nucléaire n'est pas une option réaliste si nous voulons contenir le réchauffement climatique sous les +1.5°C comme prévu par l'Accord de Paris"
Les écologistes appellent à réformer la taxonomie verte pour exclure le nucléaire des investissement qualifiés de verts. Ils estiment que le nucléaire ne doit pas être considéré comme une solution durable et souhaitent orienter les financements vers les énergies renouvelables. Ils s'opposent au projet Cigéo destiné à l'enfouissement géologique profond des déchets radioactifs.
Manon Aubry, LFI : 100% Renouvelable, investissements massifs dans les ENR
« Energies renouvelables : nous privilégions un mix 100% renouvelable. En outre, nous proposons la sortie complète du nucléaire à l'horizon 2050. Nous misons sur le déploiement conjoint massif des énergies renouvelables électriques, (majoritairement éolien en mer et terrestre ainsi que photovoltaïque) et aussi des thermiques (solaire thermique, réseaux de chaleur, PAC, biomasse). Elle propose également une révision de la taxonomie européenne pour exclure le nucléaire des énergies considérées comme durable.
Sobriété : Nous visons une diminution de 55% de la consommation d'énergie d'ici 2050 dont la moitié de l'effort sera fourni par la sobriété. Celle-ci passera tout d'abord par une baisse drastique des consommations ostentatoires de plus aisées puis par la mise en place de mesures de sobriété structurelles collectivement définies, afin notamment de diminuer la consommation de viande, de ralentir l'étalement urbain et de diminuer les kms parcourus en rapprochant logements, commerces, lieux de travail, services publics. Cette sobriété devra faire l'objet d'une délibération collective.
A chacun de se faire son idée à partir des positions exprimées. Pour plus de clarté, PIEBîEM interpellera les principaux candidats aux législatives en Bretagne notamment sur les thèmes suivants : annulation de l'appel d'offre AO5 et de la zone industrielle éolienne Bretagne sud, moratoire sur l'éolien en mer, suspension de tous les appels d'offres programmés, abandon du programme de 45GW d'éolien en mer…