Eolien flottant en Méditerranée ou comment la CRE persiste dans l’erreur… et le reconnait

30/12/2024

Les promoteurs éoliens et la presse ont annoncé triomphalement l'attribution de deux parcs éoliens flottants en Méditerranée sans aucune interrogation sur les tarifs de rachat (92,7 en Occitanie, 85,90 €/MWh en face de Fos). Des tarifs étonnamment bas, au regard des appels d'offre étrangers. Il suffit d'aller voir les notes de la CRE pour se rendre compte que les problèmes rencontrés lors de l'appel d'offre AO5 persistent : critères de robustesse financière toujours insuffisants, critéres techniques poussant à une surenchère irresponsable, notamment sur la taille des éoliennes et critères de rentabilité toujours fantaisistes. A cela s'ajoute le fait que la France est l'un des très rares pays où l'Etat prend en charge le raccordement des zones éoliennes offshore- la Suède vient d'y mettre fin et c'est un exemple à suivre !

Avec la Caisse des dépôts dans l'un des consortium et EDF renouvelables dans l'autre, pas de doute, ce sera le contribuable français qui paiera, et très cher. PIEBÎEM demande la fin de la prise en charge du raccordement par l'Etat et une enquête de la Cour des comptes sur les tarifs d'attribution de l'éolien flottant par la CRE. 

La CRE par ailleurs déplore les conséquences de ce qu'elle chérit en s'inquiétant d'un quasi-monopole chinois dans les éoliennes et demande l'introduction d'un critère d'évaluation relatif à la qualité environnementale. Il est bien temps !

Après la Bretagne, les côtes méditerranéennes promises à la dévastation

Pas de trêve de Noêl pour les promoteurs éoliens qui ont annoncé triomphalement l'attribution de deux parcs industriels flottant en Méditerranée (offre AO6) situés à un peu plus de 25 km des côtes. Il s'agit de deux projets d'environ 250 MW (donc équivalents à Bretagne sud 1)

Éoliennes Flottantes d'Occitanie entre Agde (Hérault) et Port-la-Nouvelle (Aude) a été remporté par un consortium formé par Ocean Winds (détenu par EDP Renewables et Engie) et Éolien en mer participations (filiale de la Caisse des dépôts et consignations) pour un investissement d'un peu plus de 800 millions € et un tarif de rachat de 92,7 €/MWh.

Golfe de Fos, au large de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) a été attribué à la société Éoliennes Méditerranée Grand Large, dont EDF Renouvelables et Maple Power (CPP Investments, Enbridge) pour un investissement d'un peu plus d'un milliards € et un tarif de rachat de 85,90 €/MWh.

Elles sont prévues avec des éoliennes de 20MW et une mise en service vers 2031-2032

Questions sur les coûts de rachat

Ces coûts de rachats paraissent extrêmement bas. Au Royaume-Uni, l'éolien flottant dans les derniers appels d'offre est sorti à 230 €/MWh, en Italie, à 185€/MWh. (avec des éoliennes chinoises), aux USA, les tarifs ont atteint 278 €/MWh. En Méditerranée même, pour leurs trois projets pilotes éoliens flottants différents , EDF, Engie et Qair ont demandé une augmentation des 240 €/MWh initialement prévus à 370 €/MWh. Le premier parc éolien flottant réellement en opération en Europe, Hywind Scotland bénéficie d'un tarif de rachat de 217 €/MWh

La technologie flottante n'est pas mature, ainsi que l'a bien montré l'audition de l'OPECST du 2 mars 2023 consacrée à ce sujet : le choix du matériau des socles (acier ou béton) compatibles avec l'industrialisation n'est pas réglé, il existe encore des problèmes de vibration critiques, la technologie des postes électriques flottants ne sera pas disponible avant 2040 selon RTE... Et cet aveu du représentant de Total Energies jette quelques doutes sur l'exercice d'estimation des prix de rachat : : « Estimer les coûts de construction d'une filière qui n'est pas mature sur une période de 8 à dix ans revient à lire dans une boule de cristal ».

Dans ces conditions, PIEBÎEM estime que ces zones éoliennes flottantes couteront beaucoup plus cher qu'annoncé …et que ce sera le contribuable qui paiera. C'est sans doute aussi l'avis de la CRE.

Le privilège exorbitant des promoteurs éoliens français

De fait les promoteurs éoliens français bénéficient d'un privilège exorbitant: le coûts de connexion à des parcs éolien offshore à la terre sont pris en charge par RTE, c'est-à-dire par le contribuable. Ce coût représenterait selon RTE entre 25 et 35 % du coût total du projet éolien, et il va encore augmenter pour l'éolien en mer flottant, plus éloigné des côtes.

Ce privilège est quasi- unique au monde ; en Europe, seule la Suède le pratiquait, et elle vient d'abandonner fin 2024, avec pour conséquence immédiate des annulations de projet. Ajoutons que l'occupation du domaine public maritime est accordée gratuitement en France ; ce n'est pas le cas ni au Danemark, ni en Allemagne, pays rois de l'éolien (avec des résultats catastrophiques sur les émissions de gaz à effet de serre et le prix de l'électricité) où elle fait l'objet d'enchères.

Ces privilèges exorbitants accordés par un gouvernement, un autre gouvernement pourra décider d'y mettre fin, la Suéde nous a montré l'exemple.

Pour autant, ils ne suffisent pas à expliquer les prix anormalement bas des offres retenues par la CRE ( Commission de Regulation de l'Energie)

Quand la CRE s'autofustige – les leçons de l'attribution baroque de AO5 ( Bretagne sud à Pennavel) non retenues

Après les péripéties baroques de l'attribution de AO5 (éolien flottant Bretagne sud, 1ère tranche de 250MW)- renonciation in extremis du candidat s'électionné et choix du candidat résiduel Pennavel- la CRE avait examiné ses procédures et noté que « l'efficacité du sous-critère relatif à la robustesse du montage contractuel et financier… limitée par une trop faible pondération et un périmètre d'analyse trop restreint ». ne permettait pas d'éliminer des montages financiers trop aventureux, voire fantaisistes. Sur le plan technique également, la CRE exprimait de sérieux doutes et parlait de développeurs « n'escomptant pas de freins technologiques pour poursuivre la montée en puissance des machines » et justifiant leur choix par « des études internes considérant que l'augmentation de la puissance et des dimensions des turbines se poursuivra linéairement sans limite technologique. »

Les leçons du fiasco de l'attribution de AO5 ont- elles été tirées ? Du propre aveu de la CRE, non ou du moins pas suffisamment ! Ainsi :

1) Robustesse financière : « La CRE note néanmoins qu'il serait possible et souhaitable de renforcer encore l'évaluation de la robustesse des offres. La CRE émet dans son avis des recommandations en ce sens, s'appuyant sur le retour d'expérience issu des instructions des procédures AO4 Normandie et AO5 Sud Bretagne, notamment : la CRE recommande à nouveau d'augmenter la pondération du sous-critère relatif à la robustesse du montage contractuel et financier, pour la porter à 10 points dans les prochaines procédures ». En-dessous d'un minimum de 6/10, l'offre devrait être éliminée.

Traduction : comme pour AO5, la CRE juge que le critère de robustesse financière ne permet toujours pas d'éliminer des candidats peu sérieux

2) Robustesse technique : concernant le critère relatif au nombre maximal d'aérogénérateurs, la CRE constate une diminution de l'importance de ce critère mais « estime cependant toujours nécessaire que ce critère soit supprimé dans le cadre de la présente procédure et des suivantes, dans la mesure où il revient à consacrer inutilement un point de notation su un critère relevant davantage de la communication. »

La CRE explique en effet que « la mise en concurrence des candidats sur le critère du nombre maximal d'éoliennes n'apparait pas souhaitable » parce que ce critère est « susceptible d'engendrer des comportements risqués des candidats »

Traduction : comme pour AO5, la CRE juge que ce critère encourage toujours les candidats à une course peu réaliste à la puissance des éoliennes; et c'est ainsi que les candidats, à un horizon qui reste proche, prétendent disposer d'éoliennes flottantes d'environ 20MW…alors que l'on peine à faire des turbines de 12 MW pour l'éolien posé.

Le monstre de 20MW du chinois Mingyang a explosé au premier vent un peu soutenu, et Mingyang, champion autoproclamé de la puissance éolienne, lorsqu'il se lance dans un projet industriel ( XuWen Dongsan, en coopération avec l'allemand BASF ) utilisera 50 éoliennes (posées) de 10MW !

3) Estimation de la rentabilité (retour sur investissement) : « la CRE recommande de modifier les modalités d'évaluation du tarif de référence proposé par le candidat qui ont pour effet à ce stade de rendre peu différenciant les critères hors-prix » et « émet des propositions s'agissant de l'évaluation des paramètres exogènes des offres, notamment l'estimation à long terme des revenus sur la période postérieure au contrat de complément de rémunération ».... Pour estimer la rentabilité de leur projet, les candidats s'appuient sur un scenario d'évolution du prix de l'électricité pour la période post-contrat de complément qu'ils choisissent librement ; la CTRE note gentiment que « la liberté laissée jusqu'à présent aux candidats sur ce point peut les conduire à des choix risqués alors que l'estimation de tels revenus est dépourvue de caractère objectif sur de tels horizons de temps » . Elle plaide logiquement pour que soit défini un scénario de prix de l'électricité unique.

Traduction : les candidats font encore à peu près n'importe quoi dans l'estimation de la rentabilité de leur projet en se basant sur des scenarios pour le moins incertains d'évolution des prix de l'électricité 

Tout cela n'est guère sérieux, et ce que l'on peut en tirer comme conclusion est que la CRE a raté l'Appel d'Offre AO6 comme elle a raté AO5.

Avec cependant une différence, et elle est dans le choix des candidats autrement solides que le pauvre Pennavel ( pour AO5) . Dans le premier consortium figure la caisse des Dépôt, dans le second EDF. La conclusion s'impose : les deux parcs flottements en Médiyerrannée de AO6 coûteront vont dès le début cumuler pertes sur pertes, mais ce sera la contribuable français qui paiera.

Pour les notes de la CRE, lien  ;lien 

Et la CRE  finit par déplorer les conséquences de ce qu'elle chérit en s'inquiétant d'un quasi-monopole chinois dans les éoliennes lien et alerte sur la présence croissante des turbiniers chinois dans les offres des candidats. Mais lorsqu'elle estime que le Net Zero Initiative Act (NZIA) permettrait d'augmenter le contenu local, elle trompe délibérément l'opinion : de l'aveu même de la DGEC, la Commission Européenne n'a nullement l'intention de remettre en cause en quoi que ce soit le respect des règles de la concurrence de  l'OMC voir notre fil  Eolien en mer : la grande escroquerie du contenu local

Enfin, lorsque la CRE demande l'introduction d'un critère d'évaluation relatif à la qualité environnementale de l'offre ou encore le maintien d'une disposition renseignant l'évaluation carbone de l'installation ( non, les  émissions des parcs éoliens en mer ne sont  jamais correctement évaluées, en particulier pour tenir compte des périodes où l'éolien se substitue eu nucléaire ), elle se moque vraiment du monde ! lien