Jacques Percebois sur les prix négatifs de l’électricité et les loop flows

09/02/2025

Interview très pédagogique de Jacques Percebois sur le problème des ENR et les prix négatifs de l'électricité. Le problème est dû essentiellement aux renouvelables et à l'éolien en particulier. Il faut revoir le rythme de développement des renouvelables et les dispositifs d'obligation d'achat, de prix garanti, de complément de rémunération. Il faut enfin établir la vérité des coûts pour les réseaux, notamment des congestions dues aux périodes de surproductions éoliennes en Europe du Nord. . Le coût des réseaux ne cesse d'augmenter à la fois en interne pour raccorder les renouvelables et aux interconnexions. Dans ce dernier cas, il existe des effets pervers liés à la présence de flux de transit parasites qu'on appelle flux en boucle (« loop flows ») liés aux congestions internes dans certains pays. (460 milliards en Allemagne pour intégrer les ENR)? lien

NB sur ce problème des coûts négatifs, cf nos fils d'actus Productions à perte des ENR : enfin l'Etat agit et pourrait imposer des écrêtements aux ENR fatales intermittentes lien  et Energies Fatales Intermittentes : la CRE siffle la fin des privilèges des ENR lien 

Jacques Percebois : le problème est essentiellement dû aux ENR. Il faut revoir le rythme de développement

Comment peut-on expliquer la prolifération des prix négatifs ? Le fond du problème, c'est que l'électricité ne se stocke pas contrairement au gaz par exemple. À un moment, si la production dépasse la consommation, si l'offre dépasse la demande, les prix baissent jusqu'à devenir en partie négatifs et cela entraîne de la volatilité.

Le problème est dû essentiellement aux renouvelables et à l'éolien en particulier : une partie des producteurs ont intérêt à continuer d'injecter sur les réseaux même s'il n'y a pas de besoins car ils bénéficient d'une obligation d'achat avec prix garanti sur des horizons à 20 ans.

Ce tarif garanti est très souvent au-dessus du prix du marché (souvent entre 100 et 200 euros le MWh). C'est complètement idiot et c'est la raison pour laquelle les pouvoirs publics souhaitent mettre fin à ce système des obligations d'achat et privilégier les contrats d'achat directs entre producteurs et fournisseurs (ou consommateurs). 

Comment tenter de régler le problème à court, moyen et long terme ?

La première priorité, c'est de revoir les dispositifs d'obligation d'achat, de prix garanti, de complément de rémunération qui sont en vigueur. Mais on se heurte alors à des contraintes juridiques liées à la rétroactivité des accords signés comme l'a rappelé récemment le Conseil constitutionnel.

Ensuite, revoir le rythme de développement des renouvelables tant qu'on ne peut pas stocker à grande échelle. Pour le stockage, on pourrait créer de nouveaux doubles barrages pour développer les STEP (système de transport d'électricité par pompage) mais les écologistes s'opposeraient à tout nouveau projet….

Enfin, il faudra trancher dans le débat qui agite l'Europe aujourd'hui sur les réseaux et leurs coûts. Le coût des réseaux ne cesse d'augmenter à la fois en interne pour raccorder les renouvelables et aux interconnexions. Dans ce dernier cas, il existe des effets pervers liés à la présence de flux de transit parasites qu'on appelle flux en boucle (« loop flows ») liés aux congestions internes dans certains pays. La défaillance du réseau de transport nord-sud en Allemagne conduit l'électricité à passer par les pays limitrophes sans que cette électricité n'acquitte les péages d'accès aux réseaux.

NB 1) les loop flows : nous reviendrons dans un prochain fil sur ce que sont les loop flows et leurs très graves inconvénients : il s'agit en fait d'électricité « migrante » allemande : les courants électriques générés typiquement par les éoliennes dans le nord de l'Allemagne et que le réseau allemand ne peut transporter vers les centres industriels du sud se déverse brutalement sur les réseaux voisins pour parvenir à leur cible.

NB2) Pour les réseaux, la Cour Fédérale des Comptes chiffre à plus de 460 milliards d'euros (!) les investissements nécessaires au réseau allemand pour remédier aux problèmes causés par les ENR. En France, le chiffrage est de 100 milliards d'euros pour RTE et 100 milliards d'euros pour Enedis pour intégrer les ENR ; et au vu des déboires allemands, si la proportion d'ENR, en particulier d'éolien offshore, augmente, ce chiffrage français apparait largement minoré.