L’appel d’offre ENR au Royaume-Uni : un succès très contesté !

05/12/2024

Préparation de la PPE3 : leçons anglaises sur l'éolien en mer. L'appel d'offre ENR de cette année au Royaume-Uni a été présenté par le lobby ENR et la presse complice ou dupe comme un grand succès. Il faut dire qu'on revenait de loin, puisque l'an dernier, le dernier cycle d'enchères pour les capacités renouvelables au Royaume-Uni n'avait reçu aucune offre de la filière éolienne offshore, en raison d'un prix plafond trop bas. En réalité, malgré une augmentation déjà considérable des tarifs (éolien posé : 87 €/MWh ; éolien flottant : 230 €/MWh), les deux tiers d'éolien offshore proposés n'ont reçu aucune offre et le volume attribué est inférieur à la moitié de ce qui devrait être attribué chaque année. Un succès tout relatif donc, d'autant que les conséquences néfastes sociales sur la précarité énergétique et les emplois dans le secteur énergétique commencent à apparaître et suscitent de plus en plus de réactions.

Des niveaux de prix stratosphériques pour l'éolien offshore

L'appel d'offre de 2024 comprend 131 contrats pour une puissance cumulée avoisinant 10 GW. L'éolien offshore représente 9 contrats d'une puissance cumulée de 5,3 GW (dont 400 MW d'éolien flottant). Parmi lesdits projets figurent les deux futurs plus grands parcs éoliens d'Europe : Hornsea 3 (1,1 GW répartis en 3 contrats de 360 MW, 54,23 £/MWh, Ørsted) et Hornsea 4 (2,4 GW, 58,87 £/MWh, Ørsted) face aux côtes du Yorkshire (est de l'Angleterre).

Pour arriver à ce résultat, il a fallu que le gouvernement anglais cède aux demandes appuyées du lobby éolien : le prix plafond pour l'éolien posé a été relevé de 66% à un niveau de 73 £/MWh (87 €/MWh). L'éolien flottant lui explose à 230 €/MWh, selon Green Univers :lien 

Et rappelons que ces coûts ne couvrent pas les extensions de réseau, les besoins de stabilisation du réseau, le stockage, les épisodes de coûts négatifs et plus généralement production à perte, les dégâts écologiques.

Un appel d'offre « successful » ? Des prix encore trop bas, très politiques et sont très loin de permettre le programme éolien offshore

C'est le lobby éolien britannique lui-même qui appelle à une certaine réserve face au « succès » de cet appel d'offre. Il rappelle que ce round d'enchère n'a permis d'obtenir que la moitié de la capacité éolienne offshore nécessaire chaque année pour le reste de cette décennie si le gouvernement espère atteindre ses objectifs en matière d'énergie verte. Près des deux tiers de la nouvelle capacité éolienne offshore éligible aux enchères n'a pas fait l'objet d'une offre suffisamment basse pour obtenir un contrat.

Tom Glover, directeur général de l'activité britannique de RWEb: « Il est un peu décevant dans le contexte des objectifs du gouvernement que seulement 30 % des nouveaux projets éligibles aient été remportés… Cela signifie que le gouvernement devra redoubler d'efforts pour l'éolien offshore lors des futures enchères s'il veut atteindre son objectif de quadrupler la capacité éolienne offshore à 60 GW d'ici 2030. »

Pour PIEBÎEM, la conclusion qui s'impose est que, pour l'éolien offshore, il s'agit d'un succès très politique, avec des projets non rentables, visant à recrédibiliser la filière, mais que pour remplir le programme offshore envisagé, il va falloir encore considérablement augmenter les prix et les coûts.

Un mix électrique de moins en moins soutenable économiquement et socialement :in quiétudes pour la précarité énergétique et pour l'emploi.

Fin des allocations de chauffage hivernal et précarité énergétique : les coûts sociaux du soutien aux Energies Fatales Intermittentes commencent aussi à faire réagir. Ainsi, en l'absence d'argent magique, certains journaux ont mis en parallèle l'argent déversé aux lobby industriel ENR et la fin des aides aux particuliers pour le chauffage hivernal.

« Deux des patrons de sociétés énergétiques étrangères les plus riches du monde vont empocher d'énormes sommes d'argent du contribuable britannique – tandis que 10 millions de retraités sont sur le point de perdre leur allocation de carburant d'hiver…

« La semaine a été longue", a soupiré un député travailliste aujourd'hui, après que des dizaines de ses collègues ont demandé à Sir Keir Starmer de s'abstenir de réduire les paiements de carburant d'hiver de 10 millions de retraités ». Ils se sont appuyés sur une analyse historique du Parti travailliste affirmant que la suppression de ces aides provoquerait la mort de 3 850 personnes.

Dennis Reed, de l'association Silver Voices, a déclaré : « Le gouvernement s'attaque aux mauvais objectifs. Ils doivent s'intéresser aux entreprises énergétiques… Il est ironique que le Parti travailliste soit comme un Robin des Bois corrompu, prenant aux pauvres pour donner aux riches. » Lien 

« Ne nous demandez pas d'abandonner nos emplois pour des emplois qui n'existent pas. »

Les syndicats s'inquiètent de même pour les effets d'une transition énergétique sur les emplois dans le secteur de l'énergie. Le Trade Union Congress a décidé de soutenir la construction de la centrale nucléaire de Sizewell C et celle de petits réacteurs nucléaires modulaires. A une faible majorité, il a aussi appelé à la prudence quant aux emplois dans le pétrole et le gaz de la Mer du Nord et demandé au gouvernement de renoncer à l'arrêt immédiat des forages. Sceptiques quant à la possibilité de créations massives d'emplois liés aux ENR, des leaders syndicalistes ont déclaré : « Ne laissons pas les travailleurs du pétrole et du gaz devenir les mineurs de cette génération…Ne nous demandez pas d'abandonner nos emplois pour des emplois qui n'existent pas. » Lien