La nouvelle stratégie nationale pour la mer et le littoral (SNML)

20/06/2024

Pendant que les élections mobilisent l'attention, la bureaucratie gouvernementale continue d'avancer. La Stratégie Nationale Mer et Littoral (SNML) a été approuvée (Journal officiel du 11 juin). Construite autour de quatre priorités et dix-huit objectifs, cette SNML, qui sera déclinée dans les documents stratégiques de façade (DSF) confirme et même aggrave le choix en faveur du développement de l'éolien en mer, tout en le masquant derrière tout un discours de concertation et de protection du littoral ! Qui ne dupera que ceux qui veulent être dupés !

1) Eolien en mer des objectifs confirmés et la Bretagne défigurée !

Sur l'éolien en mer, la SNML se donne pour objectif de 1) développer les énergies marines renouvelables pour contribuer à la neutralité carbone 2050 ; accélérer le rythme de déploiement de l'éolien en mer en visant 18 GW mis en service en 2035 et 40 GW de capacité de production en 2050 ; 2) élaborer la cartographie « Eolien en mer » d'ici fin 2024, permettant d'attribuer, dans les 10 prochaines années, 15.5 GW de nouveaux projets, en complément des 8 GW de projet déjà attribués à des développeurs éoliens et des 2.5 GW d'extensions déjà identifiées ;

Les objectifs en GW à 2033 de nouvelles capacités à attribuer (dont extensions déjà identifiées) ont été déclinés par façade : MEMN ( Manche Est Mer du Nord ) : entre 7 et 11 GW- NAMO ( Mord Atlantique/Manche Ouest) : entre 6 et 9,5 GW(dont 0,5 GW existant) ; Sud-Atlantique (SA) : entre 2,5 et 5,5 GW(dont 1 GW existant)) : MED ( Méditerranée) : entre 3 et 4,5 GW (dont 2x 0,5 GW)

Objectifs en GW à 2050 (comprenant tous les parcs déjà attribués, en cours d'attribution et extensions identifiées) par façade : MEMN : entre 12 et 15,5 GW ; NAMO : entre 17 et 25 GW ; SA : entre 7 et 11 GW ; MED : entre 4 et 7GW

Ceci confirme l'énorme contribution de la façade NAMO qui verra donc 100 ans de protection du littoral breton et de sa biodiversité annihilés, avec la complicité d'élus peu au fait des problématiques énergétiques et idéologiquement biaisés, financièrement intéressés (ou au mieux naïfs)

2) Eviter, Réduire Compenser : les ENR sont prioritaires, il va falloir adapter !

Il est vrai que la SNML a quelques mots pour la séquence Eviter Réduire Compenser :

1) Préciser les objectifs en matière d'artificialisation en mer et pour le portuaire et accompagner les porteurs de projets ; 2) Développer une doctrine de mise en œuvre de la séquence ERC adaptée au maritime, notamment en matière de développement des EMR ( Energies Marines Renouvelables) ; 3) Concevoir des outils de mise en œuvre de la séquence ERC et ZAN ( Zone Artificialisation Nette) en mer, notamment créer une offre de compensation des impacts résiduels sur l'environnement et de l'artificialisation à l'échelle des façades

Comprendre : des règles assez contraignantes ont été votées sur la séquence Eviter Réduite Compenser et les Zones Artificialisations Nettes, c'est très regrettable, mais elles ne sont pas compatibles avec le développement de l'éolien en mer ; donc on va les « adapter » ! Par contre, pour les pêcheurs, ce sera sans pitié - !

3) Le sujet granulat : à fond dans l'exploitation pour les éoliennes ?

Curieusement, la nouvelle SNML consacre un large chapitre au problème des granulats qui témoigne d'une très forte préoccupation en ce domaine, dans le sens de faciliter et d'amplifier leur exploitation. Parmi les mesures préconisées : 1) Assurer la sécurité d'approvisionnements durables en granulats marins des territoires littoraux de métropole et ultramarins par une meilleure connaissance des gisements, par une planification adaptée et par la facilitation des dessertes - ; 2) Consolider, rendre publique et pérenniser la banque nationale des données géologiques du sous-sol en mer, afin de favoriser la connaissance scientifique partagée et l'identification de nouveaux gisements exploitables de granulats marins ; 3) Assurer l'autonomie en granulats marins pour des sous-régions marines exposées à un risque d'approvisionnement, via la conduite de nouvelles campagnes de prospections géologiques, tenant compte de la sensibilité des écosystèmes marins par ailleurs, financées par les pouvoirs publics. 4) Préserver l'accès aux gisements de granulats marins et garantir des voies de navigation directes entre les concessions et leurs ports de déchargement par le biais d'une planification spatiale cohérente avec la conciliation des usages.

Pourquoi tant de préoccupations pour l'exploitation des granulats marins ainsi défendue bec et ongles ? Hasardons une explication : les éoliennes flottantes semblent s'orienter vers des socles en béton (et non en acier) qui vont exiger des quantités astronomiques de granulats marins, entre autres projets, comme l'aménagement des ports. Les écolos partisans du développement de l'éolien en mer mais qui luttent contre l'exploitation des granulats marins risquent d'être désagréablement surpris ! Il serait temps qu'ils comprennent l'inutilité climatique, pour ne pas dire pire, et l'absurdité énergétique et économique que représente le développement de l'éolien marin.

4) Protection des sites et paysages : de belles paroles incompatibles avec les objectifs de développement de l'éolien marin fixés par la même SNML

La SNML se donne pour but de « promouvoir les sites, le patrimoine historique, culturel et architectural des espaces littoraux et maritimes » Et pour cela, elle propose de 1) mettre en valeur le patrimoine culturel, architectural et mobilier, matériel et immatériel dont le patrimoine archéologique, immergé comme sur le rivage ; 2) Prendre en compte les biens culturels maritimes inventoriés, étudiés et protégés par le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) dans les politiques de protection et de valorisation ; 3) Œuvrer à la dimension patrimoniale et à la valorisation de l'offre culturelle dans les activités de tourisme ; 4) Valoriser le patrimoine technique, scientifique et humain des phares et balises ; 5) Valoriser la dimension patrimoniale et culturelle dans les activités de tourisme.
Autant de belles paroles incompatibles avec le développement de l'éolien marin et la défiguration du littoral breton transformé en zone industrielle ; sans compter les atterrages, tels ceux de Bretagne Sud qui passeront à travers les champs mégalithiques d'Erdeven…

5) L'économie bleue : de belles paroles, mais priorité au développement de l'éolien

La SNML prétend vouloir « renforcer la durabilité et la souveraineté de l'économie bleue : 1) préserver et adapter les activités touristiques existantes, 2) assurer le développement durable de la pêche et de l'aquaculture française et renforcer notre souveraineté alimentaire en promouvant la consommation de produits aquatiques de qualité, 3) assurer l'approvisionnement en ressources minérales non énergétiques, la transition de nos ports, l'efficacité de notre transport notamment par l'amélioration des offres de logistique, indispensable pour les activités de demain. »

« Une gestion soutenable pour la mer et les littoraux s'appuie notamment sur la mise en œuvre de la séquence Eviter, Réduire, Compenser (ERC) pour l'ensemble des filières terrestres et maritimes »

Or justement, il s'agit d'adapter cette séquence ERC au développement de l'éolien… et non l'inverse (les destructions d'espèces protégées ne sont ni évitables, ni compensables !). Quant à la pêche artisanale côtière, le développement de 45 GW d'éolien en mer le long de nos littoraux signerait simplement sa perte, en raison de la restriction des zones de pêche. Donc, là encore de belles paroles en contradiction complète avec les objectifs prioritaires de développement de l'éolien en mer.

Enfin, un dernier item : « Promouvoir l'innovation technologique et numérique pour des activités performantes et un meilleur partage des connaissances » . Quand on voit les difficultés actuelles de financement de l'Ifremer, c'est quand même se moquer du monde ; à moins qu'il ne s'agisse justement de diminuer les crédits de l'Ifremer pour financer des études très orientées menées par les porteurs de projets éoliens

La nouvelle stratégie nationale pour la mer et le littoral (SNML), c'est sous apparence de concertation ( ah le Parlement de la Mer au service des intérêts éoliens !), un exercice démagogique avec la confirmation des objectifs destructeurs de développement d'éolien en mer (jusques et y compris l'extraction des granulats !), par ailleurs climatiquement inefficace, économiquement et socialement insoutenable et destructeurs de la biodiversité et des attraits d'un littoral jusque-là préservé. A naufrager le plus rapidement possible !

lien SNML Le Marin