Les pêcheurs et l’éolien en mer : des oppositions de plus en plus fortes, des espoirs avec le moratoire américain.
Un point sur les conflits récents entre pêcheries artisanales traditionnelles et éolien en mer. Pêcheurs en Cornouailles, nous allons être évincés. Sur la côte Atlantique des USA confrontée à des projets d'industrialisation massive de la mer littorale par l'éolien en mer, les pêcheurs ne croient pas, comme on le leur raconte, qu'ils pourront pêcher dans les parcs éoliens, s'inquiètent pour les pêches à la coquille Saint-Jacques et au homard, et du problème des éoliennes flottantes. Le moratoire de Trump sur l'éolien en mer dont l'un des buts est explicitement de « maintenir une industrie de la pêche robuste pour les générations futures » est plutôt bien accueilli, mais ce sera trop tard pour certaines pêcheries traditionnelles du New-Jersey. Et en France le moratoire sur l'éolien en mer, c'est pour quand ?
Pêcheurs en Cornouailles: le plus grand changement que nous avons jamais rencontré, nous allons être évincés
Les pêcheurs de Cornouailles craignent pour leurs moyens de subsistance et estiment que les parcs éoliens offshore représentent le « plus grand changement » auquel leur activité a été confrontée.
Le Crown Estate - qui possède une grande partie des fonds marins du pays - a publié des plans pour ce qu'il appelle des « zones d'opportunité » pour des parcs éoliens offshore dans les eaux au large du nord-est et de la mer Celtique autour du sud du Pays de Galles, du Devon et des Cornouailles Il insiste sur le fait qu'un maximum de 15 % des zones du nord-est et 12 % de la mer Celtique peuvent être loués à des sociétés éoliennes offshore. Mais David Stevens, de l'Organisation des producteurs de poisson de Cornouailles, a déclaré à Sky News que les pêcheurs craignaient d'être expulsés d'eaux déjà très fréquentées. Il a déclaré : « C'est probablement le plus grand changement dans nos habitudes de pêche et nos entreprises que nous ayons jamais rencontré, nous allons être évincés, c'est notre plus grande peur, par tous ces parcs éoliens qui prennent soudainement du terrain que nous pêchons traditionnellement. »
Pour David Stevens, de l'Organisation des producteurs de poisson de Cornouailles, c'est parfaitement clair : les zones éoliennes en mer lui interdiraient l'accès à environ « 60% à 70% de son espace habituel de pêche . Pour moi, c'est terminé». Lien
USA côte Est les pêcheurs pourront-ils pêcher dans les parcs éoliens ? Ben non, malgré ce que le lobby éolien leur raconte ! :
La côte Est des USA, dans l'Etat de New-York, a à faire face à un véritable tsunami éolien programmé et les pêcheurs se posent beaucoup de questions : « En Europe, où les éoliennes offshore fonctionnent depuis une décennie ou plus, certains gouvernements interdisent aux pêcheurs d'entrer dans les parcs éoliens. D'autres limitent l'activité à la pêche « passive » (casiers à crabes, par exemple). Mais aux États-Unis, les pêcheurs seront autorisés à pêcher dans les parcs éoliens une fois qu'ils seront en service. Cela ne veut pas dire qu'ils le feront. »
Non, ils ne le feront pas, ou très peu !
Risques pour la sécurité, répartition des poissons, instruments inutilisables
« Les décisions des pêcheurs dépendront de plusieurs facteurs : leur type d'engin (remorquent-ils un filet ou déploient-ils des engins fixes, comme des casiers à homards ?) ; les conditions météorologiques ; et où se trouvent les poissons. En plus des risques pour la sécurité, certains pêcheurs craignent que les parcs éoliens n'aient un impact sur la répartition et le comportement des stocks de poissons à l'échelle éolienne ou régionale.
Lane Johnston, directeur de la Responsible Offshore Development Alliance (RODA) qui défend les intérêts des pêcheurs et est engagée dans une action en justice contre un projet éolien offshore : « Du point de vue de l'industrie de la pêche, la grande majorité des types d'engins avec lesquels nous travaillons, nous doutons qu'ils puissent fonctionner en toute sécurité dans un parc éolien… les filets de pêche peuvent s'étendre loin des bateaux et dériver »
Les coquilles Saint-Jacques
Les coquilles Saint Jacques , qui ont fait la fortune de New Bedford depuis plus de deux décennies, seront probablement touchés par le développement éolien. « Il est peu probable que la flotte de coquilliers soit en mesure de pêcher dans les limites d'un parc éolien, ce qui entraînerait la perte d'accès à une partie substantielle de la zone de pêche et de la biomasse de exploitables », Par ailleurs, les chercheurs étudient comment le bivalve réagit au battage de pieux – une activité bruyante qui consiste à enfoncer les fondations de turbines en acier dans le fond de l'océan. Des recherches sont en cours, les premiers résultats suggèrent que le bruit a des effets sur la consommation d'énergie des coquilles.
Encore beaucoup trop d'incertitudes
Un « effet de récif artificiel » dans des étendues d'océan qui étaient auparavant constituées de boue, de sable et de débris de coquillages peut ne pas être bénéfique pour toutes les espèces…. Les scientifiques tentent de combler ces lacunes dans les connaissances. Comment les changements apportés à l'habitat du poisson, par exemple l'introduction d'amas de roches autour de chaque base d'éolienne, affecteront-ils les différentes espèces ? Certaines espèces marines, y compris les prédateurs, pourraient y être attirées ; d'autres pourraient être déplacés.
« D'énormes recherches sont encore nécessaires pour comprendre l'impact de l'éolien offshore sur l'environnement et les pêches », reconnait un rapport publié en 2023 par le gouvernement fédéral et des représentants de l'industrie de la pêche. Lien
Pêcheurs au homard du Maine : ils disent non aux experts de l'éolien offshore flottant qui veulent "coexister" avec eux.
Le programme d'éolienne flottantes au large du Maine inquiète fortement les pêcheurs tant il comporte d'inconnues : « À l'automne 2022, une collaboration dirigée par le National Renewable Energy Laboratory, la Responsible Offshore Science Alliance (ROSA) et l'Université du Maine, a reçu une subvention du National Offshore Wind Research and Development Consortium pour un projet intitulé « Co-Design Solutions for US Floating Offshore Wind Farms and Fishing Compatibility ». L'objectif de ce projet est de renforcer la coexistence entre la pêche et l'éolien flottant en réunissant ingénieurs et pêcheurs pour co-concevoir des plates-formes d'éoliennes flottantes, des lignes d'amarrage, des câbles dynamiques et des ancres. L'équipe du projet collaborera avec des pêcheurs de la Caroline du Nord au Maine. Cet effort devrait débuter en mars 2023 et se poursuivre jusqu'en septembre 2025 »
La pêche au homard du Maine est l'une des plus anciennes industries exploitées en continu aux États-Unis - depuis plus de 180 ans, Elle est réputée comme l'une des pêches les plus durables au monde et rentable des États-Unis, qui génère plus de 2 milliards de dollars par an et fait vivre directement plus de 12000 personnes.
La MLA (Main Lobstermen Association) est donc une partie prenante reconnue et puissante. Elle s'oppose fermement au développement de l'éolien offshore et a réussi à convaincre le BOEM de ne pas accorder de baux éoliens offshore dans la zone « homard 1 », qui représente 94 % de tous les débarquements de homard aux États-Unis. La MLA reste très engagée dans la question de l'éolien offshore pour s'assurer que les préoccupations des pêcheurs de homards du Maine concernant l'industrialisation du golfe du Maine sont prises en compte à chaque étape du processus. »
Virginia Olsen, directrice politique du Maine Lobstering Union, a déclaré. « Nous savons qu'ils veulent industrialiser notre océan et, en tant que pêcheurs, nous ne voulons tout simplement pas que cela se produise."
Le pêcheur Gary Libby est sur la même ligne et déclare qu'il est impatient d'en savoir plus sur les câbles et les systèmes d'ancrage….De mon point de vue, je suis vraiment opposé à l'éolien offshore et je pense que la plupart des pêcheurs que je connais ressentent la même chose. En ce qui concerne la coexistence, la plupart des gars ne veulent pas »
Le moratoire annoncé de l'administration Trump sur l'éolien offshore aux USA suscite les espoirs des pécheurs, mais ce sera trop tard pour certains, surtout dans le New-Jersey
Un des buts du moratoire décrété par Trump est explicitement de « maintenir une industrie de la pêche robuste pour les générations futures ». lien
Dans le New-Jersey, principalement concerné par le tsunami éolien, Eric Hansen, qui possède deux permis de pêche à la coquille Saint-Jacques à New Bedford, a déclaré qu'il était « très, très heureux » d'apprendre que les baux sans permis complets feront l'objet d'un examen attentif, en particulier ceux de la baie de New York et du centre de l'Atlantique qui chevauchent les zones de pêche à la coquille Saint-Jacques.
La Responsible Offshore Development Alliance (RODA), qui représente les entreprises de pêche, a déclaré qu'elle était ravie de collaborer avec la nouvelle révision des baux et des permis de l'administration Trump : « Cette décision est une pause bien nécessaire qui nous permet de réévaluer l'avenir du développement de l'éolien offshore et ses impacts potentiels sur nos environnements côtiers et nos économies locales », lien
« Nous sommes reconnaissants que la nouvelle administration protège notre métier emblématique et multigénérationnel des sociétés énergétiques étrangères et des agences étatistes qui détruisent notre mode de vie », a déclaré le directeur de l'Association des pêcheurs de la Nouvelle-Angleterre, Jerry Leeman. Lien
Ce sera quand même trop tard pour une grande partie des pêcheurs du New-Jersey. Et nous, le moratoire, on le fait quand !
NB Lors du débat La Mer En Débat, PIEBÎEM a traité ce sujet de la pêche et relayé les inquiétudes des pêcheurs bretons de la Commission Pêche du Parlement Européen et les leçons à tirer de la coexistence de l'éolien en mer et des pêcheries en Europe du Nord cf notre note L'eolien en mer et la pêche, l'impossible conciliation lien : « Nous avons constaté que le conflit entre ces deux secteurs restait sans issue » Cour des Comptes européenne, septembre 2023