Oiseaux et éoliennes ne font pas bon ménage 1) : EDF renouvelable condamné au pénal. Et en mer, on continue ?

10/04/2025

Une première judicaire, des condamnations au pénal pour un parc éolien terrestre pour destructions d'espèces protégées sans demande de dérogation ; les demandes de dérogations doivent respecter le maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, qu'il y ait RIIPM ou pas. Il est inadmissible que les dérogations espèces protégées soient systématiquement accordées aux zones éoliennes en mer, même lorsque sont concernées des espèces en danger critique d'extinction. la mer n'est pas la poubelle de la terre, que ce soit pour la pollution ou les éoliennes. 

De fortes amendes et de la prison avec sursis pour les exploitants du parc éolien d'Aumelas

C'est une première judicaire, des condamnations au pénal pour un parc éolien lundi 7 avril 2025, la chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Montpellier a jugé responsables les dix sociétés exploitantes du parc éolien d'Aumelas (Hérault) de la mort de 160 animaux d'espèces protégées dont des faucons crécerellettes et des chauves-souris.

Les magistrats ont imposé l'arrêt des 31 éoliennes pour quatre mois avec exécution provisoire- ce qui couvre les périodes de migration des oiseaux concernés. Ils ont également condamné chacune des sociétés à 500 000 euros d'amende (dont 250 000 euros avec sursis) ainsi que l'ancien PDG d'EDF Renouvelables, Bruno Bensasson, à six mois de prison avec sursis et 100 000 euros d'amende (dont 30 000 euros avec sursis).

Par ailleurs, les dix sociétés sont condamnées à verser, au titre du préjudice moral, un total de 114 000 € à France nature environnement Occitanie-Méditerranée, ainsi que la même somme de 114 000 € à sa maison-mère, France Nature Environnement. Enfin, elles devront, au titre de réparation du préjudice écologique, verser 74 087 € à l'État, qui devra les affecter au plan national de sauvegarde du faucon crécerellette.

EDF et ses filiales avaient été déjà été condamnées au civil, en 2021, par la cour d'appel de Versailles pour la mort de 28 faucons crécerellettes «par collision avec les éoliennes» de ce même parc d'Aumelas. La justice civile avait constaté que «cette destruction perdurait malgré la mise en place» en 2014 d'un système électronique d'effarouchement.

Selon FNE-OccMed, les éoliennes d'Aumelas ont causé la mort de 150 à 300 faucons crécerellettes, une espèce migratoire menacée de disparition. Ces petits faucons, tout comme les busards cendrés et des chauves-souris, elles aussi espèces protégées, viennent régulièrement se fracasser sur les pales malgré les dispositifs d'effarouchement mis en place. lien lien

Les dérogations espèces protégées : EDF prétend s'en passer

En vertu d'une directive européenne, toute destruction de ces espèces protégées est illégale, sauf stricte dérogation préfectorale. Une telle dérogation, qui aurait autorisé la survenue d'un nombre restreint d'accidents mortels, n'a toujours pas été sollicitée par EDF, d'où l'action introduite par France Nature Environnement, qui estime qu'EDF joue la montre, n'étant pas du tout assurée d'obtenir la dérogation. EDF Renouvelable fait valoir une forte croissance (+ 12% par an)» du passage des faucons crécerellettes depuis l'année de mise en service du parc éolien d'Aumelas et fera appel.

Rappelons l'avis du juriste Laurent Borderaux L'éolien en mer au risque du droit de l'environnement lien  : Les demandes de dérogation, c'est pas facultatif : « L'omission de la demande de dérogation au principe d'interdiction posé entache d'illégalité l'autorisation administrative accordée. cette omission est pénalement répréhensible et est susceptible de faire naître un préjudice moral réparable pour une association de protection de l'environnement.

Les demandes de dérogation doivent impérativement répondre à trois conditions : « Lorsque cette dérogation (préfectorale ou ministérielle) est sollicitée, elle doit bien répondre aux trois conditions cumulatives exigées, tenant à l'absence de solution alternative satisfaisantes (or le nucléaire en constitue une pour l'éolien en mer ), au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et à l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur »

Eolien en mer et dérogations espèces protégées -elles sont systématiquement accordées et cela doit cesser !

Pour les parcs éoliens en mer, les promoteurs font effectivement des demandes de dérogation, mais le problème, c'est qu'elles sont systématiquement accordées : 31 pour Dunkerque, 59 pour Saint-Brieuc, majoritairement des oiseaux, et ce sera encore beaucoup plus Bretagne sud. Or, les oiseaux marins se reproduisent très lentement ce qui signifie que pour certaines espèces fragiles, la disparition, même en faible nombre, d'adultes reproducteurs peut entrainer très rapidement un effondrement. Rappelons également la position du CNPN dans son autosaisine : « L'adéquation des objectifs éoliens offshore avec l'objectif de zéro perte nette de biodiversité inscrit aux articles L. 110- 1 et L. 163-1 du code de l'environnement paraît difficile voire impossible à atteindre au regard de la connaissance actuelle des incidences » ; et ceci d'autant plus avec l'impact cumulé des parcs qui n'est jamais pris en considération -et comment le pourrait-il ? (Autosaisine du CNPN sur le développement de l'énergie offshore en France et ses impacts sur la biodiversité, le patrimoine naturel et les paysages (Juillet 2021)

De nombreuses espèces d'oiseaux marins le long de nos côtes sont en danger critique : le Pingouin Torda, le Macareux moine (symbole de la LPO), l'eider à duvet, L'océanite tempête, le Puffin des Anglais, le Puffin des Baléares , la sterne de Dougall, la sterne arctique. Là où ils sont présentes, les zones éoliennes doivent leur céder la place.

La mer n'est pas la poubelle de la terre, que ce soit pour la pollution ou pour les éoliennes. Les zones industrielles éoliennes en mer ont beau profiter systématiquement d''une RIIPM (raison impérative d'intérêt public majeur) ce que nous contestons, elles doivent aussi respecter le maintien dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. Espérons que nous serons entendus.

NB : la même semaine, après la mort d'un aigle royal (il y a deux ans) la justice a ordonné l'arrêt d'un parc éolien (Bernagues ) dans l'Hérault pour un an et condamné l'exploitant (Energie Renouvelable du Languedoc) à une amende de 200 000 euros, dont 100 000 avec sursis. Son dirigeant, François Daumard a écopé lui d'une amende de 40 000 euros, dont 20 000 avec sursis. L'OFB a mis en évidence un « dysfonctionnement du système de détection des oiseaux », ce qui n'est pas rassurant   lien  PIEBÎEM réclame la même protection pour les oiseaux marins.