PPE3 : Mobilisation entrainée par l’Académie des Sciences contre un décret et un texte absurdes

17/04/2025

La charge de l'Académie des sciences contre la PPE3: mépris des experts, chiffrages incohérents, surestimation absurde de la demande électrique, les dangers de l'augmentation massive des énergies solaires et intermittentes… la fuite en avant des renouvelables et un décret illégal pour accélérer sur l'éolien en mer. L'Académie des sciences a été entendue et provoque un vif débat chez les décideurs et l'opinion publique, dans nous espérons qu'il arrivera à sa conclusion logique : un moratoire immédiat sur les énergies fatales intermittentes. Résumé de l'appel de l'Académie, d'un article de G. Woessner et d'un article de F. Goulard.  

1) La charge de l'Académie des sciences contre la PPE3 : mépris des experts, chiffrages incohérents, surestimation absurde de la demande électrique, les dangers de l'augmentation massive des énergies solaires et intermittentes…

Faute d'être entendue, le Comité Energie de l'Académie des Sciences a publié une charge contre la PPE3 lien . Extraits :

Aucune considération pour les avis formulés lors de la consultation et des chiffres incohérents

« Il est avant tout regrettable de constater que les rédacteurs du document ont accordé bien peu de considération aux nombreux avis formulés lors de la consultation publique. En effet, la version révisée reste, pour l'essentiel, identique à la version initiale, à l'exception d'une légère diminution de la puissance solaire et de la puissance d'électrolyse pour la production d'hydrogène vert prévues en 2035… Plus préoccupant encore, le texte s'appuie sur des chiffres incohérents, tout comme sa version précédente, et ce malgré les observations précises formulées par l'Académie des sciences dans son avis de décembre 2024 »

Deux exemples d'incohérence : « Puissance solaire dont l'objectif 2035 passe de 75-100 GW à 65-90 GW, mais néanmoins avec une production d'énergie solaire correspondante qui augmente de 93 TWh à 92-110 TWh, ce qui est pour le moins étonnant ». « Puissance d'électrolyseurs dont l'objectif 2035 passe de 10 GW à 8 GW, valeur qui reste néanmoins irréaliste et donc inaccessible comme déjà indiqué par l'Académie des sciences «

L'éléphant dans la pièce : la surestimation absurde de la demande électrique

L'Académie des sciences soutient l'ambition affichée d'une production nucléaire substantielle (360-400 TWh), source d'énergie bas-carbone de stock, à la fois massive et pilotable… Cependant, il est incompréhensible que les objectifs de production électrique totale ne tiennent pas compte, à travers des scénarios alternatifs, de la réalité suivante : depuis 2017, la consommation électrique diminue globalement, passant de 480 à 449 TWh en 2024, en contradiction avec les prévisions.

Ce phénomène, observé non seulement en France mais aussi dans la plupart des pays européens, s'explique par plusieurs facteurs : un prix de l'électricité trop élevé qui incite les ménages à plus de sobriété et les industriels à optimiser l'efficacité énergétique de leurs convertisseurs d'énergie, une désindustrialisation persistante et des freins économiques, scientifiques et technologiques à l'électrification des secteurs à décarboner en priorité (mobilité, chauffage, production d'hydrogène, production de carburants de synthèse et industrie).

En dépit de cela, le projet de PPE 3 affiche pour 2035 des objectifs de production électrique (presque totalement décarbonée, comme aujourd'hui) de 666-708 TWh, bien au-delà de la consommation actuelle et même supérieure à celle prévue pour 2035.

NB 1) : la PPE3 continue à ignorer superbement l'avis de l'Académie des Sciences dans son Cahier d'acteur PPE3 : « Avec des besoins en électricité de 508 TWh en 2035, aucune capacité supplémentaire de production électrique ne serait alors nécessaire, la production actuelle étant suffisante. Pourquoi, alors, envisager 200 TWh d'énergies renouvelables (EnR) supplémentaires »

NB 2) : PIEBîEM a tout de suite mis en exergue ce problème de la surestimation de la demande électrique, cf. notamment lien  et notre CP du 31/01/2025 : Concertation sur la Programmation pluriannuelle de l'énergie et stratégie nationale bas-carbone : PIEBIEM dénonce un déni de démocratie et l'absence de prise en compte de la problématique critique de l'évolution de la demande électrique lien 

Les dangers de l'augmentation massive des énergies solaires et intermittentes : L'Académie des sciences déconseille un développement précipité et massif des sources d'énergie non pilotables sur la base de prévisions de consommation surestimées.

« Plus inquiétant encore, cette production repose principalement sur une augmentation massive des énergies solaire et éolienne intermittentes, passant de 73 TWh en 2023 à 254-274 TWh en 2035. Cette évolution entraînerait des surcapacités considérables, coûteuses et inutiles, générant un excédent d'offre par rapport à la demande dépassant les 100 TWh, et surtout un taux excessif de production d'électricité non pilotable proche de 40 %.

En effet, en absence de capacités de stockage d'électricité massives, non disponibles aujourd'hui et qui ne le seront pas beaucoup plus dans 10 ans, cet excès de production intermittente non pilotable, qui bénéficie aujourd'hui d'une priorité sur le réseau, induira : (i) une volatilité accrue des prix de l'électricité, avec des périodes de plus en plus fréquentes de prix très élevés alternant avec des prix négatifs ; (ii) la nécessité, pour assurer l'équilibre offre-demande, d'une modulation excessive de la production nucléaire, entraînant des contraintes sur la gestion du parc électronucléaire1et un sous-emploi de ce parc, sous-emploi coûteux économiquement et induisant des risques de dégradation des performances des réacteurs ; (iii) des tensions sur les réseaux électriques qu'il faut adapter à cette variabilité de la production, ajoutant des coûts supplémentaires considérables au fonctionnement du système énergétique.

L'Académie des sciences soutient la proposition du Haut-Commissaire à l'Énergie Atomique visant à accompagner le texte de la PPE d'une analyse approfondie du coût complet de production du système énergétique français, incluant le scénario proposé ainsi que des scénarios alternatifs, ce qui n'est pas fait aujourd'hui…. Du côté des énergies renouvelables intermittentes, les objectifs de production doivent être mieux ajustés aux besoins réels. L'Académie des sciences déconseille un développement précipité et massif des sources d'énergie non pilotables sur la base de prévisions de consommation surestimées.

2) L'article de G. Woessner dans le Point : l'Académie des Sciences étrille la stratégie gouvernementale

Excellent article de G. Woessner, sur la PPE3 et l'avis de l' Académie des sciences, avec interview de Marc Fontecave lien  . 

Extraits : Pas à la hauteur des enjeux », « incohérent », « irréaliste »… Les qualificatifs pleuvent, et ils ne sont pas tendres. Alors que le gouvernement s'apprête à entériner par décret sa nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE3), censée tracer la route de notre avenir énergétique jusqu'en 2035, l'Académie des sciences publie un avis corrosif, rejoignant les critiques déjà formulées par l'Autorité environnementale, le Haut Conseil pour le climat, ou le haut-commissaire à l'Énergie atomique… Dans un avis publié ce 8 avril, l'institution dresse un réquisitoire contre ce document stratégique, épinglant tout à la fois sa méthode et ses ambitions.

Et de fait, le texte regorge de contradictions. Par exemple, la consommation d'énergie finale prévue pour 2035 est estimée à 1 100 TWh page 11 de la PPE3, mais grimpe mystérieusement à 1 302 TWh quelques pages plus loin. Quant à la consommation électrique à cet horizon, elle semble relever du grand huit statistique, oscillant entre 429 TWh, 508 TWh ou même « entre 580 et 600 TWh », selon les pages consultées. « Quel est réellement le niveau de consommation visé pour 2035 ? » interroge légitimement l'Académie.

La fuite en avant des renouvelables et un décret illégal pour accélérer sur l'éolien en mer.

C'est pourtant sur cette demande électrique fluctuante, incertaine, voire en recul, que la PPE3 projette une explosion de l'offre. Le plan vise une production comprise entre 666 et 708 TWh en 2035, portée quasi exclusivement par le solaire et l'éolien. Ces énergies intermittentes devraient plus que tripler leur contribution, passant de 73 TWh en 2023 à 254-274 TWh en 2035. « C'est complètement fou. C'est incohérent », soupire Marc Fontecave. La France exportait déjà un excédent record de 89 TWh en 2024. Ajouter 200 TWh de production renouvelable à cet excédent existant créerait une surcapacité colossale. « Ce n'est pas raisonnable », martèle le scientifique.

L'Académie parle d'un excédent dépassant les 100 TWh et d'un « taux excessif de production d'électricité non pilotable proche de 40 % ». Une proportion qui fait frémir les spécialistes des réseaux. « On ne peut pas avoir un système électrique sans pilotable », rappelle Marc Fontecave.

Et G. Woessner conclut par ce que PIEBîEM a déjà rappelé ; si le gouvernement est si pressé de procéder par décret, au demeurant très contestable légalement, c'est pour satisfaire au désidérata du lobby de l'éolien en mer : « Alors que le gouvernement s'apprête à adopter la PPE3 par décret, afin de lancer au plus vite les appels d'offres pour ses futurs parcs éoliens offshore (il en prévoit à terme une quarantaine, sur les façades atlantique et méditerranéenne), rien n'indique que ces appels à la raison scientifique seront entendus »

3) François Goulard : La vérité des coûts réels et totaux des énergies fatales intermittentes doit être révélée, ce qui devrait changer profondément le regard qu'on leur porte lien 

Extraits : Où va la France ? Droit dans le mur énergétique ? Au prix d'une (nouvelle) explosion des factures d'électricité ? Les pouvoirs publics courent-ils en rond comme des canards sans tête ayant abandonné toute rationalité ? Nous en parlons avec François Goulard. Centralien passé par l'ENA, secrétaire d'Etat puis ministre des gouvernements Raffarin et de Villepin, il est aujourd'hui vice-président de l'organisation Patrimoine, Nucléaire, Climat (PNC).

En 2024, alors que la PPE faisait l'objet de concertations tous azimuts et de groupes de travail en pagaille, la commission de régulation de l'énergie (CRE), l'autorité administrative en charge du bon fonctionnement des marchés de l'électricité et du gaz, a validé un investissement de 194 milliards d'euros afin de redimensionner le réseau électrique à l'envolée des énergies intermittentes. Quand RTE signait un contrat de 4 milliards d'euros avec Hitachi pour construire trois plateformes électriques pour les parcs éoliens en mer.

En mars 2025, le processus de consultation du public toujours en cours, la commission de régulation de l'énergie engage une consultation sur un giga projet d'appel d'offres de 8,4 à ,9,2 GW d'éolien en mer, dont environ 5 GW d'éolien flottant. Technologie non seulement pas encore mature (c'est aussi le cas de l'hydrogène "vert" pourtant porté aux nues pour ses capacités de stockage très… théoriques) mais également inexistante au niveau industriel en France.

De quoi faire bondir l'organisation Patrimoine, Nucléaire, Climat (PNC), présidée par l'ancien président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer. Dans un (nouveau) plaidoyer, l'association dénonce "le passage en force du gouvernement et sa technostructure". Et réclame que la PPE3 soit revue en profondeur, sur la base d'études et d'analyses rationnelles afin de définir le mix électrique optimal "avec un juste équilibre entre productions pilotables (nucléaire et hydraulique) et productions intermittentes (éolien et solaire)".

"La vérité des coûts réels et totaux des énergies fatales intermittentes doit être révélée, ce qui devrait changer profondément le regard qu'on leur porte et nous orienter vers une PPE3 sage, porteuse d'avenir. Notre compétitivité, face aux géants industriels mondiaux, en dépend".