Productions à perte des ENR : enfin l’Etat agit et pourrait imposer des écrêtements aux ENR fatales intermittentes

01/02/2025

Dans un fil d'actu précédent Energies Fatales Intermittentes : la CRE siffle la fin des privilèges des ENR lien ,  nous indiquions que face aux phénomènes de l'explosion de la production d'électricité à prix négatifs, la CRE préconisait notamment l'obligation pour les ENR d'écrêter leur production lorsqu'il y a surproduction- ce qui arrive de plus en plus souvent en raison du suréquipement allemand. Ce sera peut-être bientôt chose faite grâce à un discret amendement du projet de loi de finances en cours de discussion, ainsi que le révèle un excellent article de la Tribune -un amendement qui suscite évidemment la colère du lobby ENR

La Tribune : Sale temps pour les énergies renouvelables, bientôt bridées par l'Etat lien 

Extraits : Jeudi prochain, les parlementaires devront décider si, oui ou non, les panneaux solaires et les éoliennes sous contrat avec l'État devront s'arrêter lors des périodes de surproduction. Et ce, afin de soulager les finances publiques. Qui aurait pu prédire ?

L'intermittence des énergies renouvelables, dont l'activité varie selon la météo, commence à poser de sérieux problèmes. Et ce, alors même qu'elles représentent moins de 25% de la consommation finale d'électricité en France. En effet, l'éolien, et surtout le solaire, produisent trop à certaines périodes, et insuffisamment à d'autres. Un va-et-vient qui engendre des prix négatifs sur les marchés : quand l'énergie devient trop abondante par rapport à la demande, lors d'un après-midi sans nuage par exemple, les centrales à gaz ou nucléaires sont prêtes à payer pour continuer de fonctionner. Elles soumettent alors des enchères négatives sur les bourses d'échange, afin d'éviter de payer d'importants coûts de redémarrage quelques heures plus tard, lorsque le soleil tirera sa révérence, et les panneaux photovoltaïques avec lui. Or, lors de ces épisodes de surplus, la plupart des exploitants d'énergies renouvelables continuent eux aussi de carburer…

Mais voilà : l'État les protège des aléas du marché en payant la différence entre un tarif prédéfini - souvent élevé - et les cours du moment. Notamment les parcs sous obligation d'achat (OA), rémunérés à un prix fixe même quand le marché tombe en dessous de zéro. De quoi amplifier encore le phénomène, dans un cercle vicieux ruineux pour les instances publiques.

Des ordres de réduire, voire stopper la production

Pour y remédier, le gouvernement a déposé un amendement au projet de loi de Finances (PLF) pour 2025 afin de modifier, a posteriori, les contrats historiques conclus avec les producteurs solaires et éoliens. L'idée : autoriser l'arrêt ou la limitation des champs qui bénéficient de tarifs d'obligation d'achat, soit environ la moitié de la cinquantaine de gigawatts (GW) de capacités éoliennes et solaires installées sur le territoire. Voté par le Sénat en début de semaine, le texte doit faire l'objet d'un examen en commission mixte paritaire, le jeudi 30 janvier.

Dans le détail, celui-ci donne la possibilité aux acheteurs (EDF Obligation d'achat, les entreprises locales de distribution et les organismes agréés) d'imposer à des opérateurs sous OA, dont la capacité installée dépasse 10 mégawatts (MW), de réduire, voire de stopper ponctuellement leur production, lors des périodes de prix négatif sur le marché de l'électricité. En d'autres termes, s'il est adopté, les énergies renouvelables pourront être bridées dès lors qu'il y aura trop d'énergie produite. Les principales filières concernées seraient « l'éolien en mer », les « grands parcs éoliens terrestres » et les « grands parcs photovoltaïques », précise le document.

Pour l'État, une facture de 30 millions d'euros en 2024

Leurs exploitants recevraient néanmoins une compensation, dont le montant dépendrait, entre autres, « de la puissance de l'installation », de « la durée de l'arrêt demandé » et « du tarif d'achat défini par le contrat », peut-on lire. Mais s'ils refusaient de se plier à la règle, ils ne bénéficieraient ni de compensation, ni même du tarif de rachat. Dans ces conditions, ces producteurs n'auraient plus aucun intérêt à laisser leurs machines fonctionner lorsque les prix de vente plongent sur le marché, ce qui permettrait à l'État d'enrayer le cercle vicieux des cours négatifs.

Il faut dire que la note est salée : « Il est estimé que les heures de prix négatifs vont coûter 30 millions d'euros à l'État en 2024 - et ce, uniquement en comptant la part « négative » du prix de marché », peut-on lire dans l'amendement. Ce dernier « permettra de réduire en 2025 ce coût pour l'État d'une somme estimée à 5 millions d'euros, car la mesure prendra un certain temps pour être mise en place », poursuit le texte.

Si cela coûte aussi cher à l'État, c'est parce que les épisodes de prix négatifs ont bondi l'an dernier. Selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE), tandis qu'ils n'avaient jamais dépassé 102 heures par an jusqu'en 2022, ils ont atteint 147 heures en 2023, puis 235 heures sur le seul premier semestre 2024 (soit 5,4% du temps) ! Pire : au deuxième trimestre, 10,2 % des heures ont été marquées par des prix négatifs, avec un pic en avril. Or, ce phénomène se couple avec des tarifs de rachat très dispendieux… ( NB ainsi que PIEbÏEM l'a rappelé, Saint-Nazaire produit de l'électricité à 143,6 €/MWh et Saint-Brieuc tout juste inauguré à 180 €/MWh, que le producteur a tout intérêt à produire quel que soit le marché puisque l'Etat achète à ce prix, même lorsque la valeur de l'électricité générée est nulle voir négative)

Il n'empêche : la réforme à venir ne ravit pas la filière. le PDG de KiloWattSol et vice-président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), Xavier Daval, appelle à « ne pas tirer sur l'ambulance ». Le président du SER, Jules Nyssen, refuse quant à lui le recours à la contrainte. !! « Les filières électriques ont signalé à l'État qu'elles étaient prêtes à avoir une négociation là-dessus sur la base du volontariat."

NB : il s'agit de l'amendement du projet de loi de Finances pour 2025 n°ii-2191 additionnel après l'article 60

PIEBîEM agit : PIEBîEM soutient évidemment cet amendement et a écrit aux sénateurs et députés de la Commission Mixte Permanente. Nous avons fait valoir qu' « il est temps que les ENR fatales (i.e. dont la production n'est pas corrélée à la demande) prennent en charge leurs externalités négatives et s'arrêtent en cas de surproduction » au lieu de faire supporter cette charge au nucléaire dont la production est économiquement et techniquement déstabilisée et que d'autre part, « cette obligation d'arrêt de production existe déjà dans des pays de plus en plus nombreux en Europe, et que la plupart (Croatie, Grèce, Finlande, Pologne, Roumanie, Espagne, Suède) n'offrent pas de compensation pour la réduction de production des énergies renouvelables ». Comme c'est actuellement le cas pour le nucléaire.

Le bon sens technique et économique avance. Lentement ! A suivre, qu'il n' y ait pas de coup tordu des lobbys ENR !