Raccordement de la zone éolienne de Dunkerque : dérogation de destruction de 21 espèces protégées, malgré l’avis contraire du CNPN

27/02/2025

Le préfet du Nord-Pas de Calais vient d'accorder la dérogation pour autorisation de destruction de 21 espèces protégées pour le seul raccordement de la zone éolienne de Dunkerque, et ceci en plein zone Natura 2000. Parmi elles, le marsouin commun, le phoque gris, le phoque veau marin, le bruant des roseaux, le petit gravelot, le bouvreuil pivoine… Eh oui, les travaux de raccordement aussi ont leur impact écologique ! 

Une fois de plus, l'administration au service des promoteurs éoliens s'assoit sur les recommandations du CNPN qui constate que la situation du parc, en ce qui concerne la protection de la biodiversité, est la pire possible, que des espèces en danger n'ont pas été prise en compte (raie bouclée, émissole) , que les pollutions sonores et chimiques n'ont pas été prises en compte et les mensonges sur l'effet récif continuent.

1) La zone éolienne industrielle de Dunkerque cumule vraiment les inconvénients..., 2) Le CNPN ne peut qu'émettre un avis défavorable à cette demande de dérogation…3) Quelques points particuliers soulignés par le CNPN; 3a) La RIIPM (Raison Impérative d'Intérêt Public Majeur) doit être mise en balance avec les effets sur la biodiversité; 3b) Opportunité du projet et absence de solution alternatives fortement contestées par le CNPN : une des pires implantations; 3c) La pollution sonore paraît sous-estimée au vu des récentes publications; 3d) L'effet récif est considéré comme « neutre » bien que la nature des sols soit modifiée par création de reliefs et par une nouvelle connectivité des espaces marins; 3e) Pollutions chimiques : Certains risques de pollutions sont mentionnés dans le dossier mais ne sont pas pris en compte pour évaluer l'impact potentiel sur les espèces

Nb1 lien vers le site de nos amis de Vent debout 59 ; Nb2 : la préfecture du Nord vient aussi de donner son feu vert pour la création de la zone éolienne et ses 31 autorisations de destruction d'espèces protégées dont nous avions parlé lien  lien ; lien vers l'avis CNPN

1) La zone éolienne industrielle de Dunkerque cumule vraiment les inconvénients...

Rappelons que la zone éolienne de Dunkerque cumule les inconvénients qui devraient aboutir à son abandon : au sein d'une Zone Natura 2000, en plein milieu d'un goulot de migration majeur d'oiseaux marins ; à proximité des côtes (48 éoliennes,  à 11km. des plages belges parmi les plus touristiques alors que les parcs éoliens belge et hollandais sont situés à plus de 30 km des côtes) ; un choix de zones qui rend deux routes maritimes au départ du port d'Ostende inutilisables, et menace la sécurité de la navigation. Et 31 autorisations de destruction d'espèces protégées Lien 

Pour le raccordement, ce ne sont (que !) 21 espèces protégées qui sont concernées.   Et surtout le Préfet s'est joyeusement assis, comme d'habitude sur le rapport du CNPN ( Conseil National de Protection de la Nature) sur le raccordement : avis négatif !

2) Le CNPN ne peut qu'émettre un avis défavorable à cette demande de dérogation

Extraits : « Au regard des forts enjeux écologiques associés aux habitats naturels et aux nombreuses espèces protégées présentes et impactées par ce projet, plusieurs lacunes significatives sont relevées en termes d'évaluation des impacts sur la biodiversité ainsi que des insuffisances dans les mesures proposées afin de réduire les incidences par le projet éolien. 

"Le dossier de dérogation conduit à une sous-estimation des incidences et conclut rapidement à une absence d'atteinte à l'état de conservation des espèces identifiées. De nombreuses espèces sont simplement omises

Cette sous-évaluation des impacts du projet est problématique et résulte tant des lacunes liées aux méthodologies d'acquisition de données que d'une minimisation des impacts bruts et résiduels. Le CNPN considère que ce projet, situé sur des sites Natura 2000, une zone de migration majeure pour les oiseaux et les poissons, qui comporte de nombreuses zones d'alimentation, de frayères et de nourriceries ce qui en fait un secteur d'intérêt en matière de biodiversité marine, ne peut avoir lieu sans nuire au maintien en bon état des populations des espèces protégées concernées, notamment du fait des effets cumulés avec les autres parcs.

De plus, une autre condition d'octroi de la dérogation n'est pas remplie : la recherche de solutions alternatives satisfaisantes de moindre impact. Dans ce contexte, le CNPN ne peut qu'émettre un avis défavorable à cette demande de dérogation, et précise qu'une dérogation ne saurait être accordée dans le cadre législatif en vigueur et découlant des directives européennes pour ce projet.

Le CNPN recommande a l'Etat de rechercher des zones de moindre enjeu pour atteindre les objectifs nationaux et européens en matière d'énergies marines renouvelables."

3)Quelques points particuliers soulignés par le CNPN

3a) La RIIPM (Raison Impérative d'Intérêt Public Majeur) doit être mise en balance avec les effets sur la biodiversité

Le dossier considère la raison impérative d'intérêt public majeur avec l'argumentation sur hausses de consommation d'énergie, la neutralité carbone, le 'green deal' européen et la stratégie nationale en matière d'énergies renouvelables. Celle-ci doit toutefois être mise en balance avec les impacts du projet sur la biodiversité. Or ce projet est situé dans une zone de reproduction et de nurseries d'espèces marines d'importance, et au sein d'une zone Natura 2000.

NB PIEBÎEM : D'autant plus l'augmentation de la demande électrique est bien en-dessous des scenarios prévus cf prévisions de la DGEC et de l'Académie des Sciences lien 

3b) Opportunité du projet et absence de solution alternatives fortement contestées par le CNPN : une des pires implantations

« Le CNPN considérait enfin cette implantation comme l'une des pires situations, à savoir - située sur le couloir de migration concentré par le goulot d'étranglement du Pas de Calais entre l'Angleterre et le nord de la France, qui draine l'avifaune marine et côtière de l'Europe du Nord et de l'Angleterre migrant vers le sud ou y hivernant (une centaine d'espèces, 1,3 millions d'oiseaux marins et entre 85 et plusieurs centaines de millions d'oiseaux terrestres). -occupe la zone proche de la côte, épargnée par les parcs offshores hollandais et belges situés à plus de 30 à 60 km des côtes au lieu de se placer dans leur prolongement (ce qui était impossible à cause du rail de navigation), la pire des situations environnementales qui augmente l'effet barrière et l'impact cumulé des parcs. »

« Les solutions alternatives doivent être équivalentes et faisables, or le CNPN constate dans ce dossier que sur le milieu terrestre ne sont présentées que deux solutions, dont une (trace Est) qui n'est pas faisable, »

Nuisances à l'état de conservation des espèces concernées : non prise en compte du statut réel de conservation, nuisances sonores insuffisamment prises en compte, effet récif mensonger 

« Malheureusement là aussi le dossier présente plusieurs faiblesses et le CNPN est en droit de réclamer des études plus poussées afin de pouvoir justifier de certains choix…. »... « Les enjeux concernant les poissons ne sont pas pris en compte et sont largement sous-estimés :  au statut « quasi menacée »,  la raie bouclée - sur liste rouge IUCN au statut quasi-menacée, listée depuis 2013 (liste rouge des requins, raies et chimères) - et la crevette grise sont similaires (enjeux moyens).... Les espèces amphihalines comme l'anguille européenne sont considérées sans impact et donc absente de la demande, de même que l'alose feinte. Au final, l'analyse est biaisée par la surreprésentation des enjeux halieutiques au détriment des enjeux de conservation des espèces protégées et listées. L'émissole listée par l'IUCN (Liste rouge) est peu considérée dans le dossier. »

3c) La pollution sonore paraît sous-estimée au vu des récentes publications. Une étude a notamment été menée sur l'impact du bruit lie au battage de pieux des éoliennes de Saint-Brieuc sur les populations de Seiches. Elle conclut que ces bruits ont des conséquences a tous les stades : une moindre éclosion des oeufs, une moindre survie des larves et des dommages auditifs chez les adultes… ), avec, parmi les conséquences, une moindre réaction à la présence de prédateurs.  Et il ne fait peu de doute qu'il y ait des conséquences en matière de douleur, chez toutes ces espèces. Chez les morues, une accélération du rythme cardiaque a par exemple été notée lors des battages de pieux. 

3d) L'effet récif est considéré comme « neutre » bien que la nature des sols soit modifiée par création de reliefs et par une nouvelle connectivité des espaces marins. A noter qu'en Mer du Nord, l'augmentation de la connectivité du fait de la multiplication des mono-pieux est un facteur d'aggravation pour l'extension des populations d'espèces exotiques envahissantes.

3e) Pollutions chimiques : Certains risques de pollutions sont mentionnés dans le dossier mais ne sont pas pris en compte pour évaluer l'impact potentiel sur les espèces. Ainsi, l'emploi d'huiles et des risques potentiels de pollution liés à leur utilisation sont mentionnés, mais il n'y a aucune information sur la qualité de ces huiles, la fréquence et la quantité auxquelles elles seront usitées. Ces données apparaissent essentielles au CNPN pour évaluer l'impact de la propagation de ces huiles sur les zones de reproduction et frayères, sachant qu'elles peuvent avoir un impact aussi bien mécanique en surface (étouffement des oeufs et larves) que chimique dans le reste de la colonne d'eau (post larves, juvéniles, adultes). 

De la même façon le CNPN rappelle que la protection cathodique des fondations mono-pieux et du poste électrique contre la corrosion est source de pollution par l'aluminium et l'hypochlorite, or ce risque de pollution n'est absolument pas pris en compte dans ce dossier." lien vers l'avis CNPN

PIEBÎEM rappelle  les déclarations de Sea-Shepherd au sujet de l'éolien en mer : 

« L'océan, grâce à la vie marine et aux écosystèmes côtiers, est le premier régulateur du climat et le principal puits de carbone. Nous ne gagnerons pas cette course contre la montre pour enrayer le changement climatique si nous sacrifions la biodiversité au passage. Ce qui s'amorce avec la multitude de projets industriels en mer en France et ailleurs, est un crime contre la nature et contre les générations futures »Lamya Essemlali, Présidente de Sea Shepherd France lien 

« Au prétexte de lutter contre le changement climatique, les promoteurs de l'industrie éolienne en mer se voient accorder des passe-droits qui seraient refusés à n'importe quelle autre industrie » ( Sea Shepherd, les Vents de la Colère)