Zone éolienne Bretagne sud, une agression irréversible et non compensable sur des zones exceptionnelles de nourricerie : pennatules et haploops

28/03/2025

Les études d'Etat initial de l'environnement réalisées par Setec environnement pour les porteurs de projets de la zone éolienne Bretagne sud montrent la présence importante d'habitats de pennatules (avec terriers de Langoustine) et d'haploops dans la zone d'étude rapprochée du projet. Les Pennatules et terriers de langoustines (habitat menacé/ en déclin selon la convention OSPAR) présentent en Bretagne sud des densités de langoustines étonnantes : avec la zone éolienne industrielle Bretagne sud, ce serait l'une des principales nourriceries locales de langoustine, jusqu'ici soigneusement préservée, qui serait menacée. Les haploops (non protégés en Bretagne, mais fragiles) offrent un espace de nourricerie exceptionnel pour de nombreux poissons et coquillages (roussettes, tacauds, dorades, coquilles Saint-Jacques, baudroies, Saint Pierres ; là encore, la Bretagne présente une situation très rare avec des densités parmi les plus importantes au monde.

Le projet de zone éolienne Bretagne sud présente donc clairement, par ses agressions particulières sur les fonds marins, des risques particuliers et sérieux de dommages importants irréversibles et non compensables sur un patrimoine naturel exceptionnel comportant des zones de nourriceries d'une importance considérable pour la pêche et la biodiversité.

« Les pennatules présentées dans l'analyse environnementale de RTE sont localisés dans l'aire d'étude rapprochée ainsi que certaines populations d'haploops » . (Etat initial de l'environnement Setec Les peuplements halieutiques lien 

Pennatules et terriers de langoustine : un habitat menacé/ en déclin (OSPAR) d'importance halieutique majeure

Les Pennatules (« plumes de mer ») sont des cnidaires (anémones de mer, méduses, coraux…) vivant simplement ancrés sur des fonds sablonneux. La forme générale constitue un panache souvent comparé à une plume. La colonne centrale est gonflée d'eau et les polypes sont exposés face au courant pour en retenir les particules organiques nécessaires à leur alimentation. La population est assez riche, comprenant notamment, dans la zone d'étude élargie, 4 espèces différentes: Funiculina quadrangularie, Pennatula phosphorea, Pteroeides griseum et Virgularia sp.

Les pennatules sont fortement présentes dans la zone d'étude : 138 colonies, toutes espèces confondues, ont été observées, dont 130 sur la seule première campagne. Des pennatules ont été observées sur 48% des 50 transects analysés. Cependant, Setec mentionne une variabilité importante des observations et des difficultés d'observation qui pourraient encore minorer leur importance : variations très localisées de densité (le ROV – véhicule sous-marin télécommandé- ne passant pas exactement au même endroit d'une année sur l'autre), biais lié aux observateurs (une partie de l'équipe était différente). C'est moyennement rassurant quant à la qualité des études.

La présence conjointe de terriers de langoustines et de pennatules caractérise un habitat OSPAR « Colonies de pennatules et mégafaune fouisseuse » figurant sur la liste des habitats menacés et/ou en déclin, en raison de sa sensibilité aux pressions physiques des chaluts benthiques et de son rôle de nurserie pour plusieurs espèces commerciales. En Bretagne sud, les langoustines sont présentes dans avec densités étonnantes : selon Setec, il a été possible d'estimer approximativement la population de langoustines présente sur la zone d'étude immédiate en se basant sur les densités constatées lors des deux campagnes. Ainsi, la densité moyenne de 0,28 terrier/m² rapportée aux surfaces de l'habitat à langoustine donne des populations de 45 millions d'individus.

Les colonies de pennatules et mégafaune fouisseuse continuent d'être menacées et/ou en déclin dans la mer du Nord au sens large (et les mers celtiques. Dans le golfe de Gascogne et la côte ibérique (Région IV), les colonies sont également probablement menacées et/ou en déclin.

Autrement dit, avec la zone éolienne industrielle Bretagne sud, ce serait l'une des principales nourriceries locales de langoustine, jusqu'ici soigneusement préservée, qui serait menacée.

En ce qui concerne les espèces présentes sur la zone, Pennatula phosphorea est, avec Funiculina quadrangularis (classée comme vulnérable en Méditerranée) et Virgularia mirabilis, une des espèces déterminantes de l'habitat OSPAR « colonies de pennatules et mégafaune fouisseuse. La commission générale des pêches pour la Méditerranée considère ces champs comme un Habitat Marin Essentiel (EMH) important pour la productivité des pêches. Les fonds de vase molle à Funiculina quadrangularis sont des milieux riches pour les ressources halieutiques (merlus, grondins, langoustes..). Pteroeides griseum ressemble à une plume d'autruche charnue plantée dans un substrat meuble. Cette colonie de polypes, gonflée d'eau peut atteindre 30 cm de hauteur et prendre des colorations gris beige, jaunâtres ou légèrement orangées.

Les haploops de Bretagne sud : des formations et des nourriceries exceptionnelles

Les haploops sont des petits crustacés marins d'un centimètre de long et vivant entre 15 m et 30 m de profondeur dans des tubes d'environ 5 cm de long, où ils se tiennent en position dorsale près de l'orifice. Ces tubes plantés verticalement dans la vase, que les haploops ont eux-mêmes façonnés, peuvent tapisser les fonds marins sur des milliers d'hectares. Strictement suspensivores, ils ne quittent pas leur tube pour se nourrir et filtrent le plancton et les particules en suspension dans le milieu environnant en balayant la masse d'eau avec leurs antennes. Ce sont des espèces dites « ingénieures » parce que leur activité biologique modifie les conditions physiques et biologiques de leur environnement.

Les vasières à haploops exercent un rôle de récif et offrent un espace de nourricerie exceptionnel auquel les haploops eux-mêmes contribuent et un refuge à l'abri du chalutage- les tubes, qui constituent un piège à vase, rendent le chalutage difficile car ils colmatent les filets. Le milieu créé par les haploops est particulier et les espèces associées sont différentes de celles que l'on trouve aux alentours. Les roussettes, le tacaud, la dorade grise, la vieille commune, le gobie noir, le syngnathe aiguille, l'étrille, la coquille saint-jacques y trouvent un habitat préférentiel, de même que la baudroie et le saint Pierre ; au contraire, les poissons plats qui ne peuvent pas s'enfouir, le merlu, le merlan et le bar se tiennent à l'écart.

Setep signale sur la zone occupée par Bretagne Sud des concentrations d'haploops ahurissantes : 6 800 à 25 500 individus par m², ce sont les densités les plus élevées observées pour ce genre) (Parc éolien au large de la Bretagne Sud (AO5) – état actuel de l'environnement lien . Les haploops ne sont pas menacés en Bretagne sud , où ils n'ont pourtant été échantillonnés que dans les années 80, et ont plutôt tendance à s'étendre- ils occupent environ 100 km². Ils ne sont donc pas protégés mais ce n'est pas le cas partout, et l'Ospar considère leur classification en espèce menacées ou en déclin, en Mer du nord, notamment au large du Danemark où ils étaient naguère très abondants. Dans le document OSPAR, il est rappellé que ces habitats d'haploops sont fragiles et sensibles aux impacts physiques directs et aux perturbations du fond marin, ainsi qu'à l'eutrophisation, à l'hypoxie et à la turbidité et à la pollution par les huiles. Le document mentionne également que les habitats de haploops avec des densités supérieures ou égales à plus de 1000 individus par mètre carré sont très rares et ne se trouvent que dans quelques endroits comme certaines baies de la Bretagne sud, la baie de Fundy au Canada et la mer de Sibérie orientale, confirmant ainsi le caractère exceptionnel des habitats de Bretagne sud. Case report for Haploops habitat lien 

Enfin, parmi les espèces protégées vivant sur les fonds de la zone, Setec signale la Cigale de mer (Scyllarus arctus). Il s'agit d' un crustacé de 16 cm maximum, dont les antennes sont transformées en palettes arrondies et crénelées, avec des segments abdominaux arrondis et sans épines, portant trois larges bandes rouges transversales sur la face dorsal.et des anneaux bleus sur les pattes. S. arctus figure sur la liste rouge de l'UICN au statut LC (préoccupation mineure) depuis novembre 2012 et est citée en annexe III de la Convention de Berne, ratifiée par la France et par l'Union européenne : l'espèce est donc réglementée sur l'ensemble du territoire communautaire, mas sa pêche n'est pas interdite.

Dangers particuliers des parcs éoliens flottants pour les fonds marins

Ces enjeux particuliers des parcs éoliens flottants pour les fonds marins sont reconnus par Setec et sont bien reportés dans la littérature scientifique sur le sujet :

« Selon le système d'ancrage utilisé, les câbles d'amarrage peuvent également provoquer une modification temporaire de l'habitat mais qui peut se produire de temps en temps. Par exemple, les lignes d'amarrage en caténaire (le type d'amarrage le plus utilisé) sont conçues pour être quatre fois plus longues que la profondeur de la colonne d'eau afin de tenir compte de l'action des vagues (Maxwell et al., 2022). Une proportion significative de la chaîne repose donc sur le fond marin et peut être soulevée et abaissée par l'action des vagues, provoquant une abrasion des sédiments, de superficielle à profonde, en fonction de la fréquence et de l'amplitude des mouvements de la chaîne. » (Setec)

« Le mouvement de la plate-forme flottante, induit par le vent et les vagues, crée une empreinte d'amarrage, où la ligne d'amarrage se déplace continuellement sur le fond marin, endommageant les habitats de fond et les espèces associées et produisant une remise en suspension des sédiments qui peut affecter les habitats voisins… Les habitats sensibles formés par des espèces vulnérables à faible croissance, tels que les récifs coralliens d'eau profonde, les lits de maërl et les affleurements rocheux, risquent d'être perturbés par cette interaction d'amarrage continue. Les dommages causés à l'habitat de fond sont considérés comme d'une étendue temporelle permanente en raison de la période de rétablissement prolongée requise pour les zones de fond marin touchées, qui peuvent prendre des décennies ou plus pour revenir à leur état initial d'avant l'exposition. (J. LLoret Assessing the potential impacts of floating Offshore Wind Farms on policy-relevant species: A case study in the Gulf of Roses, NW Mediterranean lien 

Zone éolienne Bretagne sud : un bilan environnemental désastreux, qui pourrait encore s'aggraver

Setec termine son étude en faisant remarquer que « le manque de données concernant les fonds rocheux de la zone 50-200m rend délicat la prise en compte de certaines espèces du circalittoral du large. Il est probable que l'apport d'informations grâce aux études réalisées dans le cadre des projets éoliens offshore justifie une réévaluation de ces listes et du statut des espèces. »

Le bilan environnemental de la zone éolienne de Bretagne sud apparait déjà désastreux, il pourrait donc s'avérer encore pire. En ce qui concerne les fonds marins, après les bancs de coraux, les bancs de maërls et les herbiers de zostère, il apparait que deux habitats exceptionnels par leur rôle de nourriceries et pour la biodiversité marine sont présents dans la zone d'étude du projet. Les Pennatules et terriers de langoustines (habitat menacé/ en déclin selon la convention OSPAR) présentent en Bretagne sud des densités de langoustines étonnantes : avec la zone éolienne industrielle Bretagne sud, ce serait l'une des principales nourriceries locales de langoustine, jusqu'ici soigneusement préservée, qui serait menacée. Les haploops (non protégés en Bretagne, mais fragiles) offrent un espace de nourricerie exceptionnel pour de nombreux poissons ; là encore, la Bretagne présente une situation rarissime avec l'une des densités les plus importantes au monde.

Le projet de zone éolienne Bretagne sud présente donc clairement, par ses agressions particulières sur les fonds marins, des risques particuliers et sérieux de dommages importants irréversibles et non compensables sur un patrimoine naturel exceptionnel comportant des zones de nourriceries d'une importance considérable pour la pêche et la biodiversité. Ce patrimoine naturel unique qui nous a été transmis, nous devons le préserver et le transmettre à notre tour. Le projet de zone éolienne industrielle Bretagne sud ne doit pas se faire !

PJ note complète